dimanche 14 octobre 2007

Séance 18 - Juillet 2007 : "Le moment de partager un repas"

Réaction à la lecture des Condé par un connaisseur de l'honneur...
En lisant ces notes sur la partie « honneur », Philippe a vu l’espagnol comme « réagissant, direct, rapide, physique » contrairement au français qui tergiverse plus.

Débat
- Ce qu’on a dit n’est pas forcément représentatif de l’Espagne. On a parlé de l’honneur à l’époque de Calderon par exemple et depuis ça a changé.
- On est plus brutal quand on parle une langue étrangère. On refoule moins car on maîtrise moins.
[Rappel : on parle français au Condé et beaucoup de participants sont Espagnols]
- On s’autorise à dire des choses dans une langue étrangère qu’on n’oserait pas dire dans notre langue. On ne s’entend pas et c’est comme si une barrière tombait. En plus en français on a un vocabulaire très riche et très nuancé (sauf le verbe aimer).
Vaste débat car tout le monde n’est pas d’accord…
- On a un vocabulaire beaucoup plus étendu en espagnol !
- Ce peut être aussi la facilité d’élocution (c’est vrai par exemple en Amérique du Sud où ils n’ont pas réduit le vocabulaire et ont gardé la richesse de l’espagnol) ; ce peut être la qualité du dictionnaire ;
- On a voulu tout simplifier en Espagne : c’était très proche de la France. On a dit « nous nous sommes le peuple ». A l’époque de Adolfo Suarez, un ministre disait « Coño, etc.) car c’était démodé d’être poli car on sortait de la dictature. En France on a maintenu la distance entre les institutions et le peuple.
- On dit d’ailleurs que les français sont pédants ; et en Espagne, si tu utilises un mot un peu sophistiqué on te traite de « cursi » (cucul), « redicha », « pedante »...
« Pija » : bon chic bon genre…
Bobo en France
Progre : quelqu’un d’engagé qui allait à la fin du …


Manger - partager
Caprice des dieux :
« Quand je vais en France et que je veux acheter du caprice des dieux, on me dit, non, n’achete pas ça, c’est pour les étrangers ! Mais moi j’aime ça ! »
« En France, c’est le fromage au lait cru qu’on aime »

Et là j’ai arrêté de prendre des notes…
En revanche, depuis j’ai noté quelques remarques de la part d’un homme d’entreprise espagnol qui m’ont intriguées et que je soumets à vos commentaires :
- En Espagne, la tradition de formation est française mais les affaires se font sur le mode anglais, américain. Ce qui donne un mélange d’analytique (serait le mode français de parler, de fonctionner) et de « ir al punto », « direct au but » (qui est le mode de fonctionner des anglo-saxons).
- Les français font des discours plus longs, ils savent parler avec une structure plus fluide. L’Espagnol n’ose pas poser de questions (dans le cadre d’une réunion professionnelle), il a moins de facilités pour argumenter…

Un autre me dit qu'en Espagne, c'est impossible d'écrire de façon concise...

Un autre encore me dit qu’en Espagne, on travaille pour la famille (et non pas pour le bien commun public)…

Qu’en pensez-vous ?


Une recette bilingue !
J’ai trouvé une recette sur un produit vendu en Espagne : « El petit Chébra ». Ou plutôt, il y a deux recettes, une en français et l’autre en espagnol. Il ne s’agit pas de traduction littérale mais d’adaptation culturelle, voilà qui est intéressant ! Je vous laisse juges :
1) En français : « Disposer un petit chèvre doux sur une tranche de pain. Arrosez avec une goutte d’huile. Poivrez légèrement. Enfournez votre toast sous le grill. Laissez fondre 3 à 4 minutes et dorer légèrement. Servez aussitôt sur un lit de salade assaisonnée ».
2) En espagnol : « Rebozar los quesitos con pan rallado. Poner un poco de aceite en una sarten y freir/dorar 3-4 minutos. Servir con una ensalada”.

Séance 17 - Juin 2007 : "Autour d'Etienne de la Boétie"

La question de la liberté posée à partir de notre lecture de : « Discours de la servitude volontaire » de Etienne de la Boétie
- Ce texte est-il très français ou universel ?
- En Espagne on a beaucoup tué avant la dictature…

La liberté, un travail de tous les jours contre les utopies
- Dans une anthologie de Maria Vargas llosa (« la verdad de las mentiras »), j’ai trouvé un passage sur aldous huxley, un livre qui critique les utopies sociales. Quelque chose qui ressemble à ce texte : « Le fascisme, le communisme, tous les utopies nous maintienne la vie planifiée. Cela a un prix : la disparition de la liberté ; l’utopie ressemble à la nostalgie de l’esclavage, c’est la fascination pour la servitude, … »
- La liberté c’est très cher, un travail de tous les jours, pour toujours, dans tous les domaines. Ce discours c’est très bien même s’il est un peu répétitif. Il faut savoir dire non tous les jours.
- Il y a des choses qui n’existent plus, mais on peut extrapoler : il parle toujours du grand tyran ; il ne parle pas de petits tyrans qui sont placés tout autour de nous. Il faut toujours voir l’histoire avec les yeux de l’histoire. Ce texte est intéressant pour les idées mais pas pour les exemples.
- Oui, la liberté, c’est la lutte de tous les jours.

L’histoire : les relations d’homme à homme[1]
- Il y a un paragraphe qui m’a touché : « Du moment qu’on ne se soumet pas au tyran, tout le montage du tyran s’effondre ». J’en suis persuadée. Ensuite, sur le rapport à Dieu : Montaigne est un homme très intéressant car il s’est adressé à un autre, égal à lui-même alors que tout le monde s’adressait à Dieu. L’époque : avant la renaissance, il n’y avait pas l’homme mais le sujet soumis au roi. La nouveauté était que le centre du monde c’est l’homme. Il faut être comme l’éléphant, le chasseur aura ce qu’il veut mais pas ma liberté.
- Montaigne, homme libre de cette époque, prend conscience pour la première fois dans l’humanité, ce que c’est que d’être soi-même. La première fois qu’être soi dans une relation humaine, c’est avec l’amour courtois (on rêve de la dulcinée). Une seconde, c’est la Boétie avec Montaigne (ils sont amis) : les essais sont adressés à son ami. La première relation d’homme à homme à égalité.
- L’amitié n’existait pas avant Montaigne et la Boétie ?
- C’était une étape en France. Après, au XVIIIème, on parlera d’une relation amoureuse entre un homme et une femme puis la tendresse. On commence alors à remarquer que les grossesses ne durent que 6 mois. Autant d’étape de la libération de l’homme par rapport à la terre et à la monarchie.
- Renvoie aussi à la pensée des protestants, la guerre des religions, prix qu’on paie avec la révolution.
- Ce que je n’aime pas dans ce texte, c’est que les faibles sont appelés efféminés !

Liberté et responsabilité
- J’aimerais revenir sur la petite tyrannie qui se multiplie… et c’est visqueux, on ne peut pas s’en dépêtrer
- On est tyrannisé par les circonstances, la famille et pas seulement par le chef
- Il faut mettre à côté de la liberté la responsabilité, ça fait peur à beaucoup de monde : on a peur d’avoir la liberté, la responsabilité. La petite vie quotidienne est plutôt lâche
- C’est commode,
- Les autres pensent pour toi : tout le monde peut être tyran autour de vous
- Chacun cache un petit tyran
- Personne ne veut la liberté car elle engage une responsabilité qui fait que les gens vous aiment moins
- Difficile de prendre le risque d’être moins aimé
- Il y a la solitude

Intérêt et égoïsme nous rendent dépendant
- Pourquoi le peuple est soumis à un pouvoir, pourquoi la femme à son mari, pourquoi le travailleur à son chef : on accepte par les intérêts qu’ils vont nous rapporter. Le tyran n’existe pas par son réseau mais par ce que le peuple est égoïste. Il croit ce qu’on lui dit : qu’on va lui donner ceci et cela. Combien de mariages sont par intérêt, pas par amour.
- Pour appartenir à tel ou tel groupe, tu acceptes de ne pas être libre.
- Par exemple, avec Hitler, il ne tuait pas, le peuple l’a choisi : il a proposé le paradis.

A qui la faute ?
- Si on parle des femmes ou des hommes maltraités, c’est une question différente. Il y a des gens qui trouvent toujours le même genre de personnes, il y a quelque chose dans sa personnalité. C’est difficile à comprendre : c’est son caractère. Après, avec le tyran, tu ne peux pas lutter parce que tu vas être tué.
- Je n’aime pas obéir, je dois savoir pourquoi,
- Etre battu et battre : on oublie ce qu’apporte Freud sur la vie libidinale (les traces de notre histoire vécue corporellement, toute cette charge qu’on utilise dans nos relations quotidiennes), dont une manifestation est le sado-masochisme. Tout le monde en souffre un petit peu (il existe toujours un petit peu dans le couple). Personne ne sait tout. Il y a des liens qui sont mystérieux. Pour Hitler, il y a eu des études qui chargent le peuple juif de s’être laissé faire (voir la thèse d’Anah Arhendt).
- Eric Fromm a fait un livre « la peur de la liberté » : la vie normale c’est la peur de la liberté.
- La peur explique la servitude à un peuple, à un pouvoir ? Moi je doute
- Je crois plutôt que c’est l’égoïsme propre du peuple. Intérêt matériel.

Du côté des femmes
- 10% des femmes peuvent choisir leur mari dans le monde
- Mais la biologie dit aussi : La femme est aveugle à son amour quand elle a des enfants
- Ce qui nous pousse vers quelqu’un c’est inconscient
- Maintenant qu’il y a moins de mariage d’intérêt, il y a plus de divorce car l’amour passe !
- Depuis la Boétie, ce sont des conquêtes qui se paient fort cher. Pour parler couple, Fourastier dit : c’est au XXème, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, deux jeunes peuvent se marier par amour et pour rien d’autre. Et du coup, la société va enfin reconnaître le divorce. On constate que la moitié des mariages finissent par un divorce.
- C’est mieux pour une femme d’être divorcée que célibataire… [A creuser]
- D’un côté on a la liberté de voter, mais pour être écoutée, on est plus encadrée par une société qui veut être jeune, la publicité très violente contre les femmes (être mince), dehors, la société est très cool, dedans tout est encadré dans les conventions sociales

La liberté existe-t-elle ?
- Beaucoup de personnes ont peur d’avoir la liberté, perdre ce qu’on a, pour les conventions sociales, il n’y a pas de personnes qui soit vraiment libre
- La liberté n’existe pas.
- En effet la liberté complète n’existe pas. Ce n’est pas l’opposé de la servitude qui dit que tu es soumis entièrement à la volonté de l’autre
- Une forme de liberté se manifeste dans son bonheur
- La thèse de dolto : on dépend de l’autre de toutes façon, pour être il nous faut que quelqu’un nous veut quelque chose. Il y a un désir pour celui qui mange.
- Voir la bulle affective, Cyrulnik. On se rend compte, qu’un bébé pour grandir et devenir adulte : avant, il mange bien et il dort bien. Maintenant, il a un milieu dans lequel il est en confiance, qui souhaite qu’il prenne sa liberté
- Quand l’enfant pleure, on ne lui enfonce pas la tétine, on lui parle [hum, c’est ce qu’on préconise, pas forcément ce qu’on fait…]
- Le syndrome de l’attachement : les enfants qui se laissent mourir à l’hôpital car il n’ont aucune affection.
- On a donc fait le lien avec l’éducation : qu’est-ce qui nous donne la force de dire non, d’être responsable !
- Cela nous renvoie à la question de la communauté et de la reconnaissance. Voici un résumé d’un passage du livre de Fred Poché, « Une politique de la fragilité » :
S’appuyant sur Axel Honneth, F. Poché souhaite montrer qu’au-delà de l’intersubjectivité (le regard immédiat de l’autre) et de l’inscription dans une collectivité politique (l’être purement social), l’homme se construit en tant que personne (et peut alors participer à la vie collective) à travers reconnaissance et confiance qu’il puise dans un mélange de politique et de proximité. Il fait référence au « respect de soi » de G. H. Mead : « Cette expression renvoie à l’attitude positive que l’on est capable d’adopter à l’égard de soi-même lorsque l’on est reconnu par les membres de sa communauté comme une personne d’un certain genre » (p. 177). C’est à travers cette reconnaissance que l’activité citoyenne peut avoir lieu. La communauté ainsi convoquée est à comprendre en opposition à l’isolement de l’homme moderne, isolement qui rend fragile. Pour Mead, il a trois formes de communautés, en complémentarité (comme un trépied qui s’effondre si on lui retire un pied) : (1) les liens affectifs qui forment le premier degré de reconnaissance réciproque pour construire une confiance en soi et une capacité d’être seul, « la matière à partir de laquelle se forme l’amitié » (p. 182 en citant Winnicott), (2) la reconnaissance juridique qui permet le respect de soi et (3) l’estime (ou la solidarité) sociale qui présuppose un « horizon de valeurs commun aux sujets concernés » (p. 184).

Conclusion temporaire : l’histoire en train de s’écrire
Que va donner la boétie dans l’histoire : le siècle des lumières, la déclaration des droits de l’homme, les citoyens décident, la démocratie…

[1] Pour les femmes, il faut attendre les années 70 en France…

Séance 16 - Mai 2007 : "Cours débat sur l'éducation"

Avant, après… Mai 68 ou Vatican II ?
- Un grand changement de relations entre professeurs et élèves : tutoiement, usage du prénom
- Le Concile Vatican II (72-74) a permis plus de liberté notamment avec l’éducation sexuelle des filles.
- Mais l’éducation sexuelle est donnée par des personnes qui ne sont pas préparées : « On ne peut pas les laisser seules avec les élèves »).
- Mai 68, ça a été « A bas les règles » avec les premières confrontations à Nanterre en France. Pendant dix ans, on a tutoyé les profs (on est ensuite revenu au vouvoiement). « C’était bouleversant le changement de valeur »
- Tout le monde conclut : « Ni trop de règles, ni sans règles »
- En Belgique, José Manuel était dans une école de garçons. Il arrive en Espagne vers 12-13 ans dans une école mixte : « effrayé par les filles qui ont du rouge à lèvres »
- On parle du « mobbing », le fait d’un groupe d’isoler un autre jeune, de l’insulter. C’est difficile à démontrer…

- Les jeunes en Espagne exigent le confort : ils veulent des meubles neufs dans leur appartements, ils sont surprotégés. En France, on part avec les restes [à nuancer et actualiser peut-être].
- En Espagne, les jeunes n’ont pas la culture de l’effort, ils croient qu’on leur doit tout… C’est très important l’éducation des plus petits…

A compléter !

Séance 15 - Avril 2007 : "« Essai sur la mort en occident » de Philippe Ariès"

Résumé
En Europe, on utilise de plus en plus la crémation, ce qui perturbe fortement tous les rituels. Il faut les réinventer, chacun avec ses coutumes : l’Espagne avec ses petites boîtes, la France avec ses tombes. Entre la mort apprivoisée, la mort de soi et la mort interdite (où brûler ses morts trouve parfaitement sa place), existe-t-il voie médiane (ce qu’on entend souvent de la part des Espagnols qui se fatiguent parfois à n’être que « rouge » ou « noir »[1]) ?

Remarques
- Comment fait-on selon les pays quand quelqu’un meurt ? Ex de la pierre en France que l’on met sur les tombes. C’est un gros marché en France, comme les fleurs. En Espagne, on ne sait pas où la mettre car les tombes sont des boîtes !
- On a aussi des grosses couronnes de fleurs, on dit plutôt gerbe en France. Il y a aussi des différences entre les villages où c’est une grande assemblée et les villes.
- Ce sujet de la mort me fait penser au récit d’une anthropologue sur radio national le dimanche : elle parle des gens célèbres dont chacun réclame les os ; elle fait le récit des voyages des restes des hommes morts !
- J’ai regardé sur Internet et ai trouvé des choses curieuses : La Galice ressemble à la Bretagne sur le thème de la cérémonie de l’enterrement : par exemple, quand quelqu’un meurt, les cloches sonnent différemment si c’est une femme, un homme ou un enfant.
« En Espagne on ne fait pas de faire part de mariage, de baptême ou de communion. Et pour les décès, on fait ce qu’on appelle des esquelas, même si on n’est pas catholique. Avant, on la pliait en forme de triangle quand on l’envoyait dans un domicile. Tout le monde savait de quoi il s’agissait »
« En France on met le bandeau noir. En Espagne aussi ».
« Si c’est un enfant qui est mort, on met un ange ou une figure, pas une croix ».

Présentation du livre par Andrès
Le premier essai concerne les attitudes sociales devant la mort, l’entourage du mourrant. Il y a quatre phases : la mort apprivoisée, la mort de soi, la mort de toi et la mort interdite.
- La mort apprivoisée : au Moyen-Age, la mort est un acte social, normal, le mourant est entouré de toute la famille, il se prépare pour la mort, il fait réfléchir, sans peur de mourir. « On ne meurt pas sans savoir qu’on allait mourir » ; « la mort est une cérémonie organisée par le mourant lui-même ; on entrait dans la chambre du mourant librement ». Les os restaient près du village ou à l’église.
- La mort de soi : la mort prend une tournure dramatique et individuelle pour l’homme cultivé vers le milieu du Moyen-Age. Ex : la place du jugement dernier où chacun doit rendre compte devant Dieu.
- La mort de toi : au XVIIIème siècle, on exalte la mort, on la veut impressionnante, romantique ; c’est le culte nouveau des tombeaux et des cimetières. Le testament devient un acte légal de distribution des biens alors qu’il exprimait les volontés du mourant (dont la multitude des messes pour l’âme du mort). On n’accepte plus la mort de l’autre.
- La mort interdite : la mort devient un tabou au XXème siècle : on ne veut plus rien savoir de la mort.

Débat
« Avant les enfants faisaient partie de la mort. Aujourd’hui on cache le mort. »
« Avant, ça fait cinquante ans, pas plus… Depuis la télévision et les tanatorium (funérarium, là où garde le mort avant l’enterrement), c’est une entreprise qui s’occupe de tout, les choses ont changé. Il y a une salle VIP, une salle de bain, une chapelle, des petits gâteaux. »
« En France, les gens très pratiquants gardent encore le mort à la maison pendant les trois jours. Le cercueil est ouvert et les gens viennent voir »
« En Espagne, tu ne peux pas avoir le mort à la maison trois jours. Les lois municipales ne le permettent pas pour des raisons de santé. Tu peux le garder un jour »
« Comme l’éloignement des cimetières de la ville pour des raisons de santé »
« En Angleterre, tout a changé, peut-être le premier pays en Europe. Tout le monde a commencé à se faire incinéré. On n’a pas besoin de cimetière. Il y a environ vingt ans. »
« Comme l’invention de nouveaux rituels en France aux pompes funèbres pour réussir à faire le deuil.. Car on ne voit pas le mort… »[2]
« C’est une excuse de dire : je vais faire plaisir au mort en montant en haut de la montagne pour lancer les cendres… Il y a un peu d’hypocrisie. C’est une façon pour la famille de se débarrasser des cendres »
« Quand les gens vont mourir à l’hôpital (en France), on ne peut plus ramener la personne à la maison. Donc on appelle la famille avant la mort pour pouvoir garder le mort à la maison (sur matelas réfrigéré). Ceux qui vont au funérarium sont généralement ceux qui vont être incinéré. On voit quand même le mort pendant trois jours ».
« La dernière mode en parlant des cendres : c’est une entreprise suisse qui fait un diamant avec les cendres. Ca coûte entre 3 et 5 000 euros et ça prend deux mois. Tu peux porter les cendres de quelqu’un que tu aimais bien. »
« Tu deviens fou ! »
« En France, les cimetières ne sont pas prévus pour garder les urnes. On les garde à la maison. C’est un problème car les cimetières ne sont pas organisés pour ça ».
« Anecdote : A Séville, un homme qui aimait bien la bière a demandé qu’on verse ses cendres dans la compagnie qui fabrique cette bière. La fabrique a refusé et la famille a quand même gravé sur le mur qu’elle a versé les cendres par-dessus le mur. On ne sait toujours pas s’il y aura un procès ! »
« La loi devra être changée (en France) : car une dame a incinéré le mari et le chien et a mélangé les cendres pour les enterrer au cimetière des chiens ! D’autres ont vendu la maison où les cendres du grand-père étaient dans le jardin et aucun des héritiers ne voulait récupérer les cendres ! »
« en Espagne, tu peux acheter dans certaines églises ton urnes et être enterré là. Ça doit coûter trois ou quatre mille euros » ;
« Ce qui est vrai, c’est qu’aujourd’hui on meurt seul et à l’hôpital ; j’ai eu l’occasion de vérifier ça avec une vieille tante. La famille est là mais la nuit tu t’en vas »
« quand tu es très malade, ils te permettent de rester là. »
« Quand il a été très malade, mon père a dit qu’il ne voulait pas aller à l’hôpital. Mais mon frère qui était médecin l’a obligé d’aller à l’hôpital. Mon père n’était pas croyant et laissait une note pour se faire incinérer. Nous l’avons fait avec une cérémonie à l’église comme on l’a toujours fait dans la famille. Le pire est qu’on a été au crématorium et ma mère quand elle a vu mon père dans une urne, c’est comme si mon père était déjà trois fois mort. On a regretté d’avoir fait ça. Ma mère est très croyante »
« mais c’est le souhait du mort. Moi je ne veux pas que quelqu’un décide après ma mort de ne pas m’incinérer. »
« J’ai aussi une histoire avec ma tante qui est morte à l’hôpital : je suis persuadée qu’on choisit sa mort quand on vous laisse faire… Je l’ai vu prête pour mourir mais sa fille qui est médecin n’était pas prête elle. Elle a tout fait pour la garder en vie le plus longtemps possible... A l’hôpital on redevient un bébé, on vous ment, on vous prend en charge, on perd sa responsabilité »…
« J’ai décidé d’emmener ma tante à l’institut Covadonga pour ses trois derniers jours. Quand elle avait mal ou avait besoin de l’oxygène, il y avait toujours une infirmière, une bonne sœur… Elle a eu une mort très tranquille, on était tous autour d’elle mais elle était prise en charge médicalement, c’est bien ».

« La Santa Campana : ce sont les âmes des morts qui sont morts d’une mort violente ou qui ont laissé des choses à faire, alors elles se promènent la nuit avec une bougie qui était un os. C’est une croyance populaire. En Galice on ne peut pas marcher dans un chemin obscur sans penser à ça. C’est aussi la géographie qui veut ça.»
« Les cimetières sont éloignés de la ville à partir du XVIIème pour des raisons d’hygiène. »

« Aujourd’hui, avec la technologie on croit qu’on ne peut pas mourir ! »
« Mais la technologie ne change pas la biologie »
« En Espagne, les femmes étaient exclues des processions au début du XXème siècle, sauf les cortèges des enfants. C’est à partir de la première guerre mondiale que les choses ont changé : les femmes sont priées d’assister aux obsèques »
« Dans quelques villages en Espagne, il y a encore pas longtemps, les femmes n’allaient pas aux enterrements. Elles restaient à la maison et elles préparaient le grand banquet »
« Dans l’Islam, les femmes ne sont pas obligées d’aller à la mosquée ».
« J’ai lu un épitaphe sur internet : ci-git, …, mauvais électricien ».

[1] Propos d’une française fille de réfugiés espagnole durant la guerre civile.
[2] Vous trouverez en pièce jointe un texte de l’école de Paris sur le rituel des pompes funèbres en France.

Séance 14 - Mars 2007 : "Le travail"

Résumé
La vie du Français se passe beaucoup au travail : son statut, son honneur, sa reconnaissance sociale. L’Espagnol aime trop s’amuser, sortir et briller pour ne compter que sur le travail. C’est d’ailleurs contraire à son honneur. En revanche, il y passe un temps considérable…

Séance
L’histoire des hiérarchies et de l’éloignement des bureaux de la direction des ateliers : « Mon mari qui est ingénieur doit faire un kilomètre pour aller à l’atelier ! »
« Tu ne travailles pas de la même façon en atelier à la lumière artificielle et sans air conditionné que dans un bureau bien éclairée. C’est aussi lié à notre culture de la hiérarchie où chacun fait un travail très différent »
« En France, la hiérarchie est aussi très forte et les privilèges persistent dans les administrations, on dit que ce sont des privilèges d’ancien régime »
« Les américains donnent une image de travail en collaboration. Les français donnent aussi cette image. Ici on a la herencia de notre régime très hiérarchique : il y a toujours eu des classes en Espagne, le régime franquiste était très paternaliste (qui est important ? d’abord le père, après le fils…). L’héritage de l’histoire donne l’importance au chef d’entreprise car c’est le chef. Les japonais nous ont appris que si on travaille en équipe, on travaille mieux. C’est une autre mentalité. Moi j’ai la responsabilité de diriger et toi de produire ».
« Je suis d’accord. Le chef qui a un bureau comme tout le monde dans cette entreprise française… La répartition physique montre quelque chose. On a déménagé et avant le chef était au dernier étage, maintenant il est au premier étage avec tout le monde. Où je travaille, le chef a un bureau avec des drapeaux, je suis administratif, les rapports sont très bons. Il y a des départements… »
« Partout, les sièges des grandes entreprises sont dans les grandes villes. On ne met pas toujours les directeurs en conversation avec les ouvriers. Sinon, pourquoi payer des millions pour les bureaux de l’entreprise. Je crois que l’usine et l’entreprise ce n’est pas une famille, tous ensemble ».

« Dans les lycées, les relations entre les directeurs et les profs sont très amicales, on lui dit « tu ». Le directeur est prof et peut redevenir prof cinq ans après. »
« Maintenant ça change, il faut faire le stage pour être directeur. Il fait toujours 6 heures de cours par semaine. Il n’a pas droit à un logement même s’il a un salaire plus élevé que les profs. Ils gardent une partie de leur salaire s’ils sont directeurs plus de dix ans. C’est un problème car certains directeurs veulent rester longtemps pour consolider leur situation. Ceux-là disent toujours oui et c’est terrible pour tout le monde ! »
« Les relations sont plus directes. En France, on dit « monsieur le directeur… »
« Je me souviens d’une expérience idyllique dans une entreprise allemande : très efficace point de vue fonctionnement, chacun savait ce qu’il devait faire. Les gens étaient capables de faire deux choses différentes, il n’y avait pas de spécialisation. Ca tenait peut-être à la direction : le directeur avait un appartement de fonction. Je n’ai jamais vu un endroit où tout fonctionne bien : par exemple, le robinet ne marche pas, on le signale et ça marche. J’ai toujours gardé cette expérience comme exceptionnelle.
En France, dans mon expérience, les français protestent tout le temps, ils sont tout le temps fatigués. En Espagne, ça devient pareil. Le pire dans le travail, c’est d’être trop proche avec son collègue. En Espagne, il n’y a pas encore une culture du travail, pas autant qu’en Angleterre où on ne parle pas du tout de sa vie privée, les gens cachent leur maladie. En Espagne, être mêlé à tout ce qui arrive à la famille des autres, c’est trop dur : si tu dois t’occuper de ton travail et en plus être chargé de la vie personnelle des autres ».
« C’est pas bon de mélanger, c’est vrai »
« Même si tu ne veux pas apporter tes problèmes, tu viens avec tes soucis. »
« Si c’est un divorce, on le partage, on le raconte aux autres »
« J’ai beaucoup apprécié qu’on garde les formes en Allemagne en contradiction avec l’Espagne où on verse tout. Ca dépend peut-être de l’intelligence de certains qui savent ce qu’il faut dire : ni plus ni moins. C’est sûr qu’il vaut mieux dire les choses horribles. Je préfère être empathique sans trop me mêler »

« Mon fils travaille dans un call center. Il y a du monde partout. Il y a des problèmes, pas parce qu’ils sont très près les uns des autres, pas parce que quelqu’un parle de sa vie, quand tu travailles à côté de quelqu’un c’est bien de parler avec lui, le problème est le chef, s’il n’est pas bon, ce sera terrible : les gens travaillent plus ou moins, quand l’un prend un café, les autres râlent, … Si le directeur est bon, ce sera autrement. Les directeurs ne veulent rien dire. C’est affreux d’être directeur car il doit dire ce qu’il faut faire d’abord et voir si tout le monde fait comme ça et si quelqu’un ne le fait pas il doit dire non. »
« La question de l’autorité ? »
« Il ne faut pas être dictateur non plus… »
« Non ce n’est pas seulement une question d’autorité, le rôle du supérieur hiérarchique c’est de dire quand les choses ne vont pas bien. Il n’est pas là pour que tout le monde l’aime, il est là pour que son travail marche. S’il est laxiste, c’est une histoire de respect des uns vis-à-vis des autres. Quand on parle d’autorité, on pense au petit chefaillon qui se prend pour un grand ponte (péter plus haut que son cul – mehar coloña pour une femme). »
« Tous les directeurs veulent être aimés »
« Je ne suis pas d’accord, j’en ai connu trois qui font leur travail sans y chercher de l’amour »
« Une expérience où a l’impression que ça marche sans chef (l’Allemagne) et l’autre où on a besoin d’un chef (le call center). C’est intéressant... »
« J’ai travaillé sans directeur, j’étais responsable et je sais ce que c’est que d’être antipathique ! Ensuite j’ai travaillé dans un endroit où tout le monde est directeur et ça ne marche pas »

[Organisation possible des idées : 1 – les lieux, 2 – la culture ou non du travail, 3 – la légitimité de diriger]

« Ici il n’y a pas une culture de production. Moi je fais cette tâche, si j’ai des résultats, je vais être valorisé par au-dessus ?… Ca n’existe pas ici. Tout le monde volait des choses dans l’entreprise et tout le monde s’en fichait. On augmentait de salaire et tout le monde était content même si l’entreprise va mal. On a du vendre Ensidesa (entreprise publique auparavant) et ça a été un drame : el que vale vale y el que no para Ensidesa, c’est ce qu’on disait ici »
« …Et tout le monde voulait travailler à Ensidesa car c’était une entreprise de l’état, on s’en foutait de la production »
« Dans une entreprise, quand une personne arrive à un poste, il s’en fiche de l’état de l’entreprise, ce qu’il veut, c’est se rapprocher des copains, des collaborateurs pour garder son poste et la paix sociale. Et la production ça fonctionne ? Ca fait rien. Il arrive que les personnes arrivent parce qu’il connaît quelqu’un et non parce qu’il a du mérite »
« C’est partout pareil »
“La culture du padrino est très forte en Espagne”
« Si tienes padrino, te bautizas y sino te quedas moro »
“En France on n’a pas les mêmes problèmes dans l’administration ? »
« Oui »
« Ici, chacun regarde pour soi-même. Il y a des cultures qui ont une culture du collectif. Ici, je suis arrivé et je vais essayer que mon fils le préserve. Le fils est la prolongation de moi »
« Il faut se rappeler que les espagnols ont envie de s’amuser et les allemands peut-être non »
« quand ils sont en vacances, on ne peut plus dormir »
« Ils changent quand ils viennent en Espagne »
« Nous on devrait trouver la mitad del camino. La vie ce n’est pas le travail tout le temps. Tu vis qu’avec tes compagnons du travail. On devrait travailler seulement le matin et le soir. On devrait avoir du temps pour s’amuser : c’est voir les amis, lire… Pourquoi les gens sont si fous et ont tout le temps besoin du psychiatre : les gens sont malheureux »
« Je suis très impressionnée par les horaires ici »
« Oui mais on s’amuse »
« Au travail »
« Ma devise : travailler peu avec le plus d’efficacité. Je m’organise et je l’enseigne à mes enfants comme pour faire la cuisine »
« Je suis hallucinée par les horaires espagnols en contradiction avec le fait que l’on ressent très fort qu’il n’y a pas de désir de travailler : on n’aime pas bosser et on fait des horaires incroyables. Retour à la maison vers 21h et départ de la maison à 8h. On ne voit jamais les enfants. Si la pause est entre 14h et 16h alors que les enfants mangent entre 12h30 et 14h30, on ne les voit jamais. »
« Les entreprises qui font de la publicité pour l’équilibre familial, où la présence du jardin d’enfant, sont souvent des entreprises américaines sauf mercadona »
« Aux etats-unis il y a des entreprises qui embauchent des femmes qui ont seulement des enfants car elles sont plus efficaces »
« Les femmes travaillent après leurs enfants »
« Oui, le chômage est de 4%, c’est facile de retrouver du travail »
« On ne travaille pas de la même façon quand on a des enfants petits et quand les enfants sont plus grands. Il y a des situations où on peut dédier tous ses efforts au travail et d’autres non »
« Ici, quand tu as fini avec les enfants, tu commences avec les parents »
« En Espagne, sans la famille, l’économie s’écroule, c’est mon impression : les grands-parents s’occupent des petits et après on s’occupe d’eux »
« Et tout sur le dos des femmes »
« Il y a des résidences pour les personnes âgées »
« On n’a plus envie de s’occuper de sa famille ? »
« Il y a beaucoup de vieux en Asturies »
« Les gens vivent de plus en plus longtemps, on parle du 4ème âge avec des problèmes dont la famille ne peut pas s’occuper. Les familles vivaient ensemble car on vivait moins longtemps. La maladie d’Helzeimer n’existait pas, elle n’avait pas le temps de se développer »« Helzeimer peut apparaître à des personnes très très jeunes »

"Séance exceptionnelle à Albi (France) pour le 8 mars : « Reines oubliées »"


Résumé
Ces femmes poètes et reines, oubliées simplement parce qu’elles furent femmes et que le pouvoir ou la littérature ne se concevait pas au féminin.

Alain présente Eugénie de Guérin, Tarnaise.
Alain est écrivain et poète. Il est professeur de lettres modernes à Gaillac et il est très impliqué dans la vie associative tarnaise. Il est président du musée du Cayla (musée de Maurice et Eugénie de Guérin) et auteur de nombreux livres, en particulier sur Eugénie de Guérin. Il a deux enfants et cinq petits enfants dont un qui a intègré l’école des mines d’Albi cette année. Il fait équipe avec sa compagne, Ghislaine…

Eugénie de Guérin est une princesse de l’écriture. Lamartine disait que son journal est le plus beau livre du monde. En 1925, son livre a déjà été édité 59 fois. Depuis c’est le trou noir. Elle est née dans une famille catholique, à une époque légitimiste (Louis Philippe). La gentillomière où elle vit est sur une colline, un lieu où souffle l’esprit. Elle est née en 1805, son père Joseph était le seigneur du Cayla et s’est marié avec une bourgeoise de campagne, Gertrude. Eugénie est une jeune fille de son temps. Elle a deux frères et une sœur, dont Maurice qui est encore très connu alors qu’Eugénie est inconnue. Elle est une jeune fille sacrifiée : sa mère meurt quand elle a 14 ans et elle sera la maîtresse de maison et s’occupera de son jeune frère. L’argent sera pour les frères : l’aîné qui fera son droit et Maurice qui fait des études. Elle ne vivra que pour son frère. Elle sera même possessive. Elle sera une mère de moralité, elle obligera son frère à faire ses devoirs. La famille sera décimée par la tuberculose. Eugénie est inquiète, suivons-la dans son écriture : « Maurice nous arrive malade… Je crains pour lui… Je ne le quitterai que pour aller au ciel ». Puis à sa mort : « Mon âme vit dans un cercueil, tu étais le fils de mon cœur… Maurice, le cœur du cœur… Priez pleurez… Mon ami est-il vrai ? Toute ma vie sera un deuil, le cœur veuf, sans intime union »… Elle se battra avec Barbey d’Aurevilly pour faire publier les œuvres de Maurice. Elle était quasiment la servante de la maison : elle assure le ménage, elle s’occupe de la cuisine, gère le budget du domaine avec son père, s’occupe des volailles et fais la couture de la maison : « On y parle de poules et de dindons, l’un de ses bœufs, l’autre de ses moutons, et, tout en cassant des noix ou faisant des balais, on raconte des histoires de revenants ou de jolis contes de veillées. ». La vie est très rustique et rudimentaire : « Je me lève à 5 heures et je fais mes prières… Je travaille en bas en lisant ou je couds des sacs… Le soir, j’écris des lettres ou autre chose… Nous n’avions pour serviteurs que nos chiens ».
Malgré cela elle se forge une véritable personnalité : elle aime lire, les classiques, les romantiques et elle prend goût à l’écriture. Ce qui la sauvera car elle ne bouge pas du Cayla. La nature l’a doté d’une énorme sensibilité, un trait d’union avec Dieu et avec Maurice. Son journal nous révèle sa relation avec la nature : « L’été, nous sommes entourés de gerbes, de cigales et de poulets qui chantent sans cesse. Papa est aux blés, Marie et moi à la volaille et chacun s’occupe et se distrait… Le grand champs du nord est une mer jaune » ; « L’hiver, la détestable chose, l’horrible saison ! Un ciel terne comme une muraille, de la neige ou de la boue, quelques corbeaux, voilà tout ce que nous voyons ».
Elle correspond avec son frère Maurice et avec son amie Louise Bayne. Eugénie est très croyante : c’est la religion qui lui donne la force de supporter cette existence isolée du monde. Lisez son journal, son écriture est extrêmement fine, le style est très élégant, on y trouve beaucoup de renseignement sur l’époque.
Pour conclure, le sens du divin et de l’humain inspire une œuvre marquante de son époque : « Le soir, quand je suis seule, toutes ces figures de morts me reviennent. Je n’ai pas peur mais la mort a quelque chose qui effraie l’âme et la conscience ».


Victoria : Adosinda, belle et vaillante petite-fille de Pelayo
Victoria est professeur de français à la retraite, bénévole à l’Alliance Française, organisatrice du Condé (avec moi[1]), atelier de conversation sur les différences culturelles France-Espagne, de spectacles en français et des relations avec les collèges. Elle est mère de deux grands enfants et s’intéresse beaucoup à la culture française.

Adosinda a vécu au 8ème siècle. Son père était roi parce qu’il avait épousé la fille de Pelayo. Le roi Pelayo est celui qui avait repoussé les arabes au mont Covadonga, ce qui marque le début de la reconquête chrétienne en Espagne. Adosinda est devenue reine parce que ses frères se sont entretués. Elle était mariée mais n’a pas eu de descendant, alors elle a fait élever son neveu au monastère pour qu’il devienne un roi intelligent. Il deviendra le grand roi Alfonso II, protecteur des arts. Adosinda avait fait déplacé la cour à Pravia où on conserve beaucoup de restes de son règne : elle était importante parce qu’elle était intelligente, elle protégeait les arts et les lettres. C’est grâce à elle que le chemin de Saint Jacques existe. A la mort de son mari, elle a été chassée du royaume avec son neveu. Ce dernier est revenu, il et a été un grand roi, courageux, vaillant et juste.

Virginia nous présente Urraca, encore une reine
Virginia est professeur d’anglais à la retraite et mère de cinq enfants. Elle a deux petits enfants qui lui manquent déjà (nous sommes en France depuis avant-hier). Elle aime les langues et est amoureuse de l’histoire. Elle parle l’anglais, le français et l’italien. Elle a toujours conseillé à ses élèves d’apprendre le français.

La reine Urraca était reine d’Asturies, Léon et Castille. Elle était du XIIème siècle. C’est la première femme de pouvoir féministe dans l’histoire espagnole. Malheureusement, elle a été oubliée par les chroniqueurs ou, pire, les rares historiens qui s’en souviennent ont renforcé l’idée des chroniqueurs qui disaient qu’elle avait régné de façon tyrannique et féminine. Ils disaient que la politique ne pouvait pas être féminine. Ils ont créé une légende noire.
Son père, Alphonse VI, s’est marié cinq fois car il voulait un héritier mâle. Il a seulement eu Urraca comme enfant légitime avec Constance. Constance était alliée aux abbayes de Cluny qui l’ont protégé toute sa vie. Elle n’a pas pu avoir d’autres enfants et son mari avait d’autres maîtresses et des enfants à la cour. Elle racontait toujours des histoires de Bourgogne à sa fille Urraca et disait que son père était horrible. Elle a marié Urraca quand elle avait douze ans à Raymond, duc de bourgogne. Alphonse VI a donné le royaume de Galice à Raymond, pas à Urraca !
Urraca a eu deux enfants dont Alphonse qui deviendra Alphonse VII, l’empereur. Cette époque assez heureuse se finit lorsque Raymond meurt. Urraca a alors 26 ans. Pendant ce temps, son demi-frère, fils de la maîtresse Zaida, meurt. Il devait être l’héritier. Urraca devient donc héritière légitime. Elle doit se marier avec le roi batailleur, Alphonse d’Aragon et Navarre, selon la demande des nobles. Le mariage est un désastre. Il y avait des luttes incessantes, Urraca a même été enfermée et a dû être sauvée par les nobles. Elle a décidé de se séparer. Le pape a accepté la séparation pour raison de consanguinité. Elle a alors décidé de prendre les rênes de son destin. Elle fait alors ce qu’elle veut. Elle tombe amoureuse du comte de Lara et signe tous les documents officiels avec le comte et les enfants qu’elle a avec lui. Elle fait faire des bons mariages à ses enfants.
Ce n’est pas étonnant que les clercs et les chroniqueurs n’aimaient pas une femme aussi peu conventionnel. Elle était féministe car dans tous les documents qu’elle signe en cas de donation (j’offre la liberté à telle ville, un bâtiment à telle autre…) elle donne toujours à tous les habitants, hommes et femmes (et pas seulement les hommes).
Elle mérite qu’on s’en souvienne.

Arnaud présente la reine Hangé
Arnaud est documentariste, essayiste et commissaire d’exposition. Il est né d’une mère française et d’un père béninois. Il est membre de la collectivité Hangbé et papa de deux enfants. Il vit avec sa famille à Saint-Etienne et voyage beaucoup. Il a écrit un très beau livre sur la reine Hangbé.

Le bénin était le Dahomey avant l’indépendance avec la France. Le royaume du Dahomey est né à Abomey. Souvent cela commence avec une mort. DA était propriétaire du terrain et il a dit aux envahisseurs qu’il faudrait construire le royaume dans son ventre (d’où Dahomey, qui veut dire dans le ventre de Da). La dynastie est née au 16ème siècle. Le premier roi, Acaba, avait une sœur jumelle Hangé. Les jumeaux sont considérés au Bénin comme plus proches de Dieu. Ils sont inspérables, toujours ensemble, c’est la même personne. Acaba doit donc partager son trône. Mais le pouvoir ne peut pas être féminin. On ne retient d’ailleurs dans l’histoire officielle que douze rois et aucune reine. Or, il semblerait, on le retrouve dans la tradition orale, qu’elle régnée. Certains parlent de régence, d’autres de règne de trois ans, d’autres de douze ans… A la mort de son frère, elle a pris le pouvoir et son autre frère Agadja a éliminé les traces de ses actions en se les appropriant. Pourtant, au Bénin, les femmes jouent un rôle très important : l’armée proche du roi est féminine, ce sont les amazones, la garde personnelle des rois. La reine Hangbé a fait la guerre et a laissé une tradition guerrière féminine. Il y a aussi des métiers réservés aux femmes comme par exemple celui de potiers, métier accordé par la reine Hangbé. Il y a des cultes très forts où la femme est centrale : dans le vaudou, qui est né au Bénin, même si c’est un homme qui est le maître du couvent, ce sont les femmes qui sont responsables des initiations.
Je me suis intéressé à la reine à la mort de mon père. Nous allons parler toute à l’heure par téléphone à l’actuelle reine Hangbé qui est l’incarnation contemporaine de la première reine. Nous allons voir des images de son intronisation car j’ai commencé l’histoire à la mort de sa prédécesseur. J’ai recueilli onze histoires différentes que j’ai retranscrites dans ce livre. Cela apprend que lorsqu’on fait ce type de recherche, il faut du temps et qu’il faut faire attention à la façon, au moment et à qui on parle. Les histoires qu’on donne, il faut que la personne à qui on les donne soit capable de les garder, c’est pour cela que l’histoire africaine est fausse : ceux qui s’y sont intéressés sont souvent ceux qui ont voulu la faire disparaître. On leur a donc généralement menti. On est en train de réécrire l’histoire et Hangbé est en cours de réhabilitation. Mais cela remet en cause une façon de voir les choses. Cela aussi concerne un autre roi qui a été destitué par son successeur et éliminé. D’autres chroniqueurs sur place tentent de le réhabiliter.
La reine que nous allons avoir au téléphone est la neuvième réincarnation. On la choisit comme une femme qui a la tête sur les épaules, qui est ménauposée car elle perdra ses règles dans les six mois après sa nomination, qui est capable de tenir la maison. C’est un rôle problématique car elle doit faire des cérémonies, elle ne peut plus travailler, elle ne peut plus avoir d’hommes car elle ne peut pas avoir quelqu’un au-dessus d’elle, on doit donc lui donner de l’argent. Mais tout le monde est trop pauvre…

Débat avec la salle
Question : Comment vit socialement la reine Hangbé actuellement ?
R : elle est extrêmement pauvre. C’est difficile de refuser ce rôle. On lui dit généralement au dernier moment pour ne pas qu’elle fuit. C’est un bouleversement de personnalité. Au Bénin, on peut changer plusieurs fois de nom et de personnalité. Par exemple, maintenant son père s’agenouille devant elle, mais ce n’est plus sa fille. Elle a un rôle fondamental et que personne ne peut suivre faut d’argent. Si personne n’a d’argent dans une communauté, la communauté s’écroule.
Q : aurait-elle pu refuser ?
R : C’est moralement intenable. C’est une contrainte psychologique très forte. Elle se sent une responsabilité vis à vis de la famille, les liens doivent être maintenus. Entre les deux reines, la maison était ouverte à tous les malheurs. Les cérémonies ne sont d’ailleurs pas encore terminées faute de moyens.
Q : le collectif peut-il l’aider ? Ne se mettrait-il pas en porte à faux vis a vis du pouvoir en place ?
R : il faut savoir prendre des risques. Grâce au film, il y a eu un intérêt nouveau pour cette reine mais elle n’est pas acceptée car elle viendrait en concurrence avec les deux rois actuels qui sont aussi en bataille. Elle est plus légitime. Le fait qu’une ville l’aide n’est pas problématique. Elle est très contente que des gens s’intéressent à son histoire. La tradition n’est pas opposée à la modernité.
Q : quelles sont les relations des autorités avec cette femme ?R : le maire d’Abomey sera au téléphone avec la reine. Il y a des problèmes avec les autorités morales et religieuses, les rois. Pas avec la politique.

[1] Notes et présentations faite par Béatrice

Séance 11, 12 & 13 - Janvier, février 2007 : "Préparation de « Reines oubliées »"

Résumé
Le 8 mars à Albi, est organisé une soirée débat sur le thème « Reines oubliées ». Le Condé y envoie une délégation. Ce n’est pas forcément de reines dont on va parler à Albi (la reine d’Abomey sera à l’honneur, l’idée de reine oubliée est partie d’elle) : on parlera également de toutes les femmes laissées dans l’ombre malgré leurs actions importantes.
Adosinda fut la petite fille de Pelayo (le premier défenseur du catholicisme espagnol) et la protectrice du grand roi Alfonso II. Urraca fut la première reine féministe d’Espagne (au XIIIème siècle), elle a régné envers et contre tous et commence à peine à être reconnue.

Adosinda par José-Manuel
La vaillante et belle petite fille de Pelayo (737 à Convadonga) : Adosinda a protégé Alfonso secundo (781-842) qui a été le roi le plus important des Asturies. Je ne la connaissais pas et elle est très importante. Fruela était son frère, il est devenu Fruela primero. Il a tué l’autre frère. Les seigneurs des Asturies ont décidé de le tuer. Alfonso secundo était son fils. Pour maintenir la lignée de Pelayo, Adosinda a décidé de le protéger (et elle n’avait pas d’enfants). Le cousin Aurelio a pris le pouvoir. Elle s’est mariée avec Silo qui a pris la succession de Aurelio. Mauregato a pris la suite, le pire, il payait le tribut aux Arabes. Elle est rentrée au convent parce qu’elle était veuve et son neveu a pris le royaume : il s’était réfugié avec des proches de sa famille, au pays basque.
Il y a eu des rois fainéants (paresseux) : il y avait deux options, soit lutter contre les Arabes soit payer un tribut. Ils ont choisi de payer un tribut : chaque année on devait donner 100 vierges aux Arabes. Alfonso a commencé à lutter contre les Arabes, il a refusé de payer. La reconquête avait commencé avec Pelayo et s’était arrêtée avec les rois paresseux. Qu’est-ce qui est mieux ? On ne peut pas continuer à payer un tribut tout le temps. La paix, à quel prix. Donc je pense qu’Alfonso a été un bon roi.
Adosinda : elle était intelligente et a su garder la ligne successorale de Pelayo. Aujourd’hui, des historiens veulent relativiser l’histoire de Pelayo car c’était petit. C’est bien de faire connaître. Elle a toujours été en contact avec son neveu, elle savait tout ce qui se passait dans le royaume. Pendant l’enfance d’Alfonso, il a été au couvent où il a eu une formation culturelle, artistique, spirituelle qu’aucun roi n’avait eue. Quand il prend le pouvoir, il est le premier à faire le pèlerinage à saint Jacques.
Les Arabes avaient traversé toute l’Espagne sans rencontrer d’obstacle : c’était des grands seigneurs isolés. On pense qu’ils devaient être très courageux car traverser les montagnes c’était dur. En Asturies, les Arabes se sont imposés, ils ont eu une influence importante. Alfonso primero avait eu un enfant avec une Arabe. Une fille de Pelayo était mariée avec un maure.
(voir http://www.elmundo.es/suplementos/magazine/2005/319/1131126339.html )

Urraca par Vicky
Les chroniques du 13ème siècle n’aimaient pas Urraca car elle a régné. Son père, Alfonso VI, roi d’Aragon et de Navarre s’est marié cinq fois et voulait un héritier homme. Il a seulement une fille avec sa deuxième femme, Constanza. Elle avait les moines de Cluny avec elle. Le roi avait des maîtresses et il a eu deux filles, et avec une princesse arabe Zaida, il a un garçon. Il voulait que ce soit l’héritier. Il a marié Urraca avec Raimondo de Burbunia qui avait la Galice. Il a dit que c’est Raimondo qui devait gouverner. Elle s’est mariée à 12 ans. A la mort de Raimondo, son père l’a reconnu comme reine. Elle était amoureuse d’un comte. Les aristocrates ne voulaient pas de ce mariage. Ils l’ont marié avec un roi Alfonso le batailleur. C’était un échec. On disait aussi qu’Alfonso préférait les garçons. Il y avait des guerres tout le temps car il était roi de Leon et Castille. Urraca a stoppé le mariage. Le pape était d’accord car c’était consanguin. Alors commence le vrai règne d’Urraca pendant 17 ans. Le comte est mort. Elle est folle amoureuse d’un autre comte Pedro de Lara… On sait beaucoup d’Urraca à cause des actes de donation et administratifs qu’elle signait toujours avec le comte et ses enfants. Elle faisait dire « les hommes et les femmes », ce qui était très original, car on ne parlait jamais des femmes avant elle (et aussi après elle). »
C’est la première reine qui a fait écrire « les hommes et les femmes », la première femme qui a voulu être reine, elle savait qu’elle avait le droit et elle a eu le courage. Elle ne voulait pas rester à la maison. Si son mari n’était pas bagarreur, la réunification de l’Espagne aurait eu lieu…
(http://es.wikipedia.org/wiki/Urraca_de_León_y_Castilla et http://www.vegavaldavia.com/paginas.asp?num=65 )

Débat
- « Les femmes jouaient un rôle important au Moyen-Age en Europe »
- « Jeanne Bourin le dit en effet. On en revient aux différences culturelles : ce qui est raffinement peut paraître vulgaire ailleurs. Par exemple, les hommes crachent beaucoup ici dans la rue. »
- « Quand j’étais gamine les gens crachaient beaucoup »
- « Mes observations sur cette matière (!) : je ne voyais ça qu’à Séville et ça me faisait mal au cœur. D’où je venais on ne voyait jamais ça (Madrid, Cantabrie). Et puis c’est revenu : probablement, ça n’est jamais parti dans les régions minières (pour des causes sanitaires) »
- « J’ai toujours vu et entendu les gens renâcler »
- « J’ai un livre sur les manières de propreté en France du Moyen-Age à nos jours et les français ne son pas très propres. On rit beaucoup mais il faut pas lire ce livre avant ou après de manger ! »
- « Le problème vient d’un niveau culturel bas. J’ai beaucoup voyagé et je ne crois pas que ça dépend du pays. »
- « La première fois que j’ai vu ça c’était à Paris. »
Et voilà comment faire le tour d’un sujet !
- « pour revenir à Urraca. J’ai lu Isabelle la Catolica, un siècle et demi après. On disait que le royaume était de son côté et on ne disait pas que c’était une féministe. »- Il y a une autre femme que j’aime beaucoup : Désirée, la reine de Suède. Elle est née à Marseille, elle s’est fiancée avec Napoléon. Désirée est arrivée à Paris quand Napoléon s’est marié avec Joséphine. Elle s’est mariée avec Bernadotte qui est devenu roi de Suède. Il a été révolutionnaire, il avait un tatoo sur la poitrine qui disait « a bas la monarchie » ! Toute sa vie, il a eu peur que l’on découvre son tatouage ! Il était maréchal de Napoléon, il a été choisi pour être roi par ses pairs. Désirée était une femme du peuple et elle a été dans toutes les situations importantes du siècle.

Séance 10 - Décembre 2006 : "Nouvel arrêt gastronomique et commentaire sur l’atelier Condé"

Résumé
Nous mangeons ensemble de nouveau avec toujours autant de difficulté pour y trouver les nuances entre Français et Espagnol (sauf que les seconds mangent vraiment vite). Condé est une formule intéressante pour échanger sur ces différences : pourra-t-on en tirer parti pour la conférence avec Philippe d’Iribarne ?

Vin Somontano et longaniza de Teruel (qui ont récemment manifesté : tomar el pelo, c’est se faire avoir : ils se sont coupés les cheveux, ont fait des coussins avec et l’ont envoyé Zapatero), sandwichs de camembert, pincho avec truite fumé, mozarrella, aneth, vin doux et magret séché, polvoron (pour le manger, on l’écrase dans la main et on le mange sinon il se défait), touron de Zaragosa (sucre et amande), riz au lait condé (recette espagnole de la marquise de Parabere, d’origine française. Tu fais chauffer le lait et le riz ; quand c’est cuit on rajoute le sucre, le citron, la vanille, puis tu ajoutes deux œufs battus au bain marie une demi-heure, et finalement tu ajoutes les fruits).

Condé c’est quoi pour chacun ?
- Condé c’est l’opportunité de parler en français, de connaître des gens, qui apporte son expérience. Au départ, je ne savais pas, conversation débat, c’est simple ! Je savais que c’était un comte, ça devait être un jeu de mot !
- J’étais venu dans une causerie, mais le système de compte rendu m’a fait voir la chose différemment : permet de réfléchir et de corriger, de rencontrer des gens qui pensent différemment, voir que ça a des effets, on arrive a être ensemble, on peut dire des bêtises, on peut avoir des idées différentes mais assez ordonnées et sur la route on a trouvé cette histoire de reine : j’ai découvert un village qui était très important à l’époque médiévale, ils font une histoire de la faune et la flore, au château de Arevalo, il y avait la mère de Isabelle la Catholique qui avait eu des problèmes de santé mentale. La reine se rendait souvent à ce village. C’est très intéressant car on occulte tout ça dans l’histoire. La fille de Isabelle était Juana la loca… Ce serait intéressant de fouiller !
- Condé : me retrouver avec les français, mon enfance, c’est très important pour moi. Je vais faire une prière : que Béatrice laisse l’ordinateur et mange. « Mais je mange ! » tous les gâteaux typiques de noël espagnol sont d’origine arabe: ça a donné le nom mazapan. C’est le marsipan italien (mélange d’amande et de sucre).
- Condé c’est une bonne occasion de parler français, ont différentes opinions que moi, on peut mettre en discussion des choses historiques, actuelles, n’importe quoi et c’est très intéressant.- Pour moi tu sais, il fallait chercher un nom pour le groupe, il faut pas faire des images difficiles à retrouver, condé c’est conversation débat et c’est aussi un prince bien connu et un riz au lait que je n’avais ni vu ni mangé !

Séance 9 - Novembre 2006 : "La société espagnoles / Histoires drôles"

Résumé
Les histoires drôles rassemblent plus qu’elles ne distinguent. Y trouve-t-on de notables de différences ? Ce n’est pas sûr (voir l’histoire de la vieille dame qui se fait tirer le portrait, tout le monde en rit encore…). L’Espagne est-elle républicaine malgré sa famille royale ?

Espagne république ou monarchie ? Place des femmes de pouvoir
- Isabel San Sebastian fait une conférence : « la visigoda » à l’époque d’alfonso II el Casto. Un roi merveilleux et les Asturies sont alors les meilleures du monde. Isabel est journaliste à Madrid et a une maison à Cudillero, voisine de Balbin. Elle est basque. On dit que les femmes aux pays basques ont beaucoup de pouvoir. C’était un matriarcat.
- La Visigoda pourrait être un sujet pour les reines oubliées (voir la synthèse d’Albi du 8 mars 2007).
- Quelles femmes asturiennes pourraient être à l’honneur ?
• La directrice de l’OMS – voir la Nueva España, le lendemain de la remise des prix de Asturias.
• La princesse des Asturies… qui attend son deuxième enfant.
A ce propos, c’est encore une fille : si ça avait été un garçon, aurait-on changé la constitution pour que la fille aînée soit la reine ? (Petite précision technique et historique : en Espagne, la loi salique a été abolie par Fernando el VII. C’est sa fille Isabel II qui est devenue reine. La loi est la « Pragmatica Sancción » : si le roi a un fils c’est lui qui devient roi. Sinon, c’est la fille aînée).
- C’est difficile de changer la constitution pour cela : « on se sent très républicain ».
- « non, les gens ne le sont pas ». On en parle beaucoup dans la presse mais le peuple n’est pas républicain. Ce serait une occasion pour les républicains de bouger si on voulait changer la constitution.
- L’idée d’un roi et d’un héritier pour un républicain c’est absurde. Et pourtant on aime notre monarchie, notre roi : c’est la meilleure chose pour l’Espagne, ils représentent bien, ils sont grands et beaux, nous on est petits…
- C’est plus logique la république en Espagne aujourd’hui. Juan Carlos a fait très bien et la reine aussi. Sans lui, on aurait été une autre dictature.
- C’est peut-être pas logique mais c’est pratique.
- Maintenant il faut faire politiquement correct… La dictature n’est pas loin… Il y a des ambiances où tu ne peux pas parler librement, tu es écarté en fonction de ce que tu dis.
- Il y a plus de liberté qu’avant, non ?
- On pouvait toujours parler entre amis mais pas dans les journaux.
- Aujourd’hui, la presse reste partisane : pour avoir une idée de ce qui se passe, il faut faire un mélange. Par exemple entre el País et el Mundo. « Le gouvernement sait bien faire la propagande : avec le Pais, je rie tout le temps car ils racontent les choses de façon tellement merveilleuse que c’est impossible ».
De même avec la radio : la COPE (tenue par l’église), ou la SER (la radio du gouvernement). Ceux qui écoutent exclusivement l’une ou l’autre sont fous ! C’est intéressant de savoir que les personnages les plus importants de COPE sont Frederico los santos et Cesar Vidal qui sont, l’un athée et l’autre protestant !
- Nous pourrions aussi aborder la question du pouvoir du roi dans un pays républicain (Juan Carlos est par exemple considéré comme plus intelligent que sa sœur, ce qui est une chance pour le pays).
- En Espagne, on retrouve dans la république actuelle les mêmes problèmes que dans les précédentes. La seconde république a été un désastre. N’était-ce pas plutôt la situation qui était bloquée ?

L’humour à partir d’histoires qui nous font rire
Victoria : ce n’était pas une histoire drôle en son temps et depuis ça me fait rire. Je suis allée en France, chez les Ursulines de Bayonne pour être au pair dans une famille. C’était l’été. J’avais une grosse valise avec toutes mes robes et je devais prendre le train de Bayonne à Biarritz. Il n’y avait pas de souterrain. Je ne pouvais pas traverser les voies ferrées car ma valise était trop lourde. Je vois un monsieur en costume à rayure assis sur une caisse, je crois que c’est un porteur. Il m’aide. Je lui demande combien je lui dois. En fait il attendant la fille qui était une fille de la charité. Et sur le coup j’avais honte, c’était la première fois que je sortais d’Espagne. Et maintenant ça me fait rire.
- Avais-tu un bikini ?
- Ah non ! J’avais des maillots de bain mais aucun deux pièces !

Angela : c’est un petit soldat qui arrive dans l’armée, il n’y connaît rien. Il voit un monsieur avec des étoiles, un chef. IL lui dit : « Hola ». Réponse agacée : « Vous n’avez pas vu les étoiles ! », le jeune dit alors innocemment : « Hola, cielo ! »
Anne ne comprend pas !
Angela explique : « cielo » c’est ce que l’on dit à un jeune, un petit. C’est aussi le ciel où on trouve les étoîles !
Vicky non plus n’avait rien compris (ce n’est donc pas une question de culture nationale !).

Mercedes : le fils demande à son papa : « Qui est plus loin, c’est la lune ou Seville ? ». Réponse : « Tu plaisantes, tu peux voir Séville ?! »
On a du mal à suivre. On comprend si on prend tout à l’envers. C’est un blague galicienne : quand tu rencontres quelqu’un, tu ne sais jamais si elle monte ou si elle descend. On répond toujours par une question à une question.

Edouard : un mariage en Galice, on arrive après le sermon : « Voulez-vous prendre pour épouse …ici présente ? » ; « Mais enfin pourquoi me posez-vous cette question ? » Etc. Et il n’a jamais dit ni oui ni non, le curé a renoncé à les marier !
Les galiciens sont-ils reconnus comme les moins développés ?
Non Non.. Mais ils ne s’occupent de personne d’autre !

Béatrice : et le film Tanguy ? Les français ont beaucoup ri et les espagnols peu. Pourquoi ?
- C’est surtout des situations qui nous ont fait rire… mais pas le film : c’est la vie quotidienne.
- J’ai toujours mes enfants à la maison, ils s’en vont et reviennent.
- J’aime quand ils sont là.
- Qu’est-ce qui a sauté en France qu’on peut rire de la famille ? Et qui reste sacré pour l’espagnol ?
- Il ne faut pas généraliser.
- Je me rappelle d’une amie quand on était enfant et qui venait de France. Ses parents partaient de leur côté et on ne pouvait pas les retrouver. C’était inconcevable chez nous. Quand j’allais en France, ma mère disait, tu vas dans ce pays de perdition. J’ai appris le Bable avec la bonne. C’est pour ça que mon français est horrible.

Vicky : j’étais dans une famille française. J’ai pris le bateau et j’avais peur. Tout le monde est allé se baigner. Il n’y a avait pas d’échelle pour remonter au bateau. Je n’y arrivais pas. Tout le monde riait et se moquait de moi. Ils ne savaient pas que je parlais français car je ne disais rien. Je ne sais pas pourquoi j’aime la France !
- Les histoires d’amour commencent très mal !
- Je suis retournée à Nice et ça a été merveilleux !

Teresa : je me souviens d’une amie qui s’est mariée avec un Hollandais, il faisait très chaud. On parle de la chaleur, les enfants jouent à la piscine, le mari prend une mitraillette à eau des enfants et nous arrose et nous sommes trempées ! Lui rie beaucoup et pour nous c’est très vexant ! Si un espagnol te le faisait tu le file une baffe !

Carmen : les blagues de Bilbao : son ocho como entran en una fiat 500 ? Solo dice que no es posible ! (No tienen limite !)
[je n’ai toujours pas compris !]

Mercedes : une dame âgée va chez le peintre pour se faire faire portrait ; elle demande ensuite au peintre de dessiner une bague, puis une couronne, un collier, etc. « Pourquoi je dois dessiner tant de bijoux ? » demande le peintre. « Ecouter : mon mari a une maîtresse depuis vingt ans, moi je suis vieille et je vais bientôt mourir ; elle va devenir folle à chercher les bijoux ! »Tout le monde rit… !

Séance 8 - Octobre 2006 : "Débat sur la société"

Résumé
Il semblerait que l’économie espagnole repose en grande partie sur la famille et empêche la mobilité professionnelle (on reste près des grands-parents qui s’occupent des petits). La France quant à elle traverse une crise : où est passé le français moyen qui aspire à une vie meilleure que celle de ses parents ?

L’emploi, la politique et la famille en Espagne
En Espagne, l’emploi est différent de la France : les contrats sont plus souples, l’employé est moins protégé. Les stages par exemple ne sont pas payés [en France non plus depuis les années 90 ou très rarement], il n’y a pas d’assurance chômage [pour tout le monde ou seulement pour les stagiaires ?].
Les jeunes se ressemblent-ils ? Les avis divergent : certains pensent que oui et d’autres nuancent. En Espagne, les enfants restent plus longtemps chez les parents, ils acceptent la société, ne se révoltent pas. Les jeunes Français descendent plus facilement dans la rue pour défendre leurs droits (cf. Les manifestations anti-CPE de 2006).
Causes et conséquences de rester chez les parents : les loyers sont chers, les gens veulent tout le confort (voiture, voyage, etc.) et la politique n’aide pas les jeunes [les salaires sont faibles –1000 euros est considéré comme un bon salaire, il n’y a pas de protection de l’emploi ni de salaire minimum ?]. C’est la famille qui supporte les carences sociales : « La société espagnole continue à s’appuyer sur la famille ». Ce sont par exemple les grands-parents qui s’occupent des enfants, on les appelle les « mamie-esclaves » ! Sinon, les horaires [scolaires ?] ne correspondent pas à ceux des parents qui travaillent, cela empêche d’avoir des enfants.
[La protection sociale et les gardes d’enfants sont en effet bien développés en France. Les femmes peuvent plus facilement travailler et avoir des enfants sans compter sur la famille].
Il est possible que les choses changent car de nombreuses personnes partent à l’étranger sans les parents pour les aider.
Il y a en effet un retard global à l’aide sociale : les allocations familiales n’existent presque pas et personne ne réclame. On dirait que les idéologies sont tombées sans qu’il y ait substitution d’autre chose. Il n’y a par exemple plus de morale sexuelle.
En 68, il y a eu un « mai » à l’université espagnole : les étudiants sont passés d’un extrême à l’autre, du respect presque sacré du professeur au tutoiement et au manque de respect.

L’université, la France et la Belgique
« L’esprit universitaire est mort : les gens vont en classe mais n’ont aucune relation entre eux. La vie culturelle est morte ». A qui la faute ? Aux professeurs, à la famille entière ?
[voir par exemple le campus universitaire de Gijon : l’université laboral aurait-elle pu rassembler les étudiants sur un campus ? D’où viennent les étudiants ? Où se logent-ils ? S’ils viennent de Gijon, un campus ne serait pas utilisé…].
Attention, les professeurs ont de multiples charges en dehors de l’enseignement : publications, administration. L’unification de Boulogne 2007 aligne toutes les universités européennes sur le même modèle [vérifier si j’ai bien compris ?!].
A Louvain la Neuve (Belgique) par exemple, il y a un grand dynamisme étudiant : un quart a une charge pendant ses études. Autre exemple, à l’Université de Montréal, pendant les études secondaires, il y a une formation à la sexualité, la vie conjugale et parentale.
La France quant à elle vit une grande crise : après une montée des classes moyennes dans les années 60-80, on assiste à une baisse. Ce serait l’élément central des malaises actuels : une désillusion. L’élite va dans les grandes écoles, l’université gonfle sans offrir de débouchés. Les classes sociales se rigidifient.
En Belgique, la société est coupée en deux : d’un côté les Flamands d’origine barbare (patrie germanique) et les Wallons francophones d’origine romaine. Au XIXème siècle, le sud, avec Liège en tête, se développe. L’école française prend le dessus et les instituteurs issus des classes modestes flamandes sont bloqués, ils ne peuvent pas passer dans les classes sociales supérieures. Les Wallons eux passent facilement. Il y a un sentiment d’injustice qui se développe.Au XXème, c’est la Flandre qui est en ascension et la Wallonie en descente à cause de la fermeture des mines. On est obligé de fixer la frontière linguistique.

Séance 7 – Septembre 2006 : "« Anthropologie de l’honneur » de Julian Pitt-Rivers"

Résumé
L’honneur espagnol à nouveau : il est familial, lié à la honra féminine. L’honneur de l’homme (sa force) est de défendre celui de la femme (sa pureté). La loi n’a pas grand-chose à voir avec cela. Plus tard, il s’agira également de prouver la pureté du sang (ni juif, ni maure). Serait-ce une clé pour comprendre les violences conjugales actuelles (le statut de l’homme est très instable depuis que la femme travaille et sait mobiliser la loi à son avantage) ?[1]

Résumé des chapitres 1 & 2 par Béatrice
Cet ouvrage, écrit en 1977 après de nombreuses années de « terrain », situe la question de l’Honneur en Andalousie dans une perspective historique. Il commence par une présentation générale du thème de l’honneur avant d’aborder les spécificités andalouses en relation avec les codes de la famille et les structures sociales. Il termine par une lecture inédite du mythe biblique de Sichem. Nous faisons ici un résumé du chapitre deuxième, « Honneur et statut social en Andalousie » suivi du résumé du chapitre premier « Anthropologie de l’honneur ».

Honneur et statut social en Andalousie
L’honneur est affaire d’utilité pratique autant que de fierté, c’est un capital précieux qu’il s’agit de préserver.

Honneur hombría des hommes et honneur honra des femmes
Pour l’homme, l’honneur est celui de la famille. En premier lieu il s’agit de défendre l’honneur des femmes. Ce dernier correspond à la pureté sexuelle, aussi nommé honra ou vergüenza. L’honneur de l’homme est ainsi tributaire de la pureté de la femme, l’orgueil masculin est la hombría, le souci de réputation : « La retenue féminine est la base naturelle de la pureté sexuelle, comme la virilité, est la base naturelle de l’autorité et de la défense de l’honneur familial » (p. 49). Le système de l’honneur repose sur les qualités naturelles de puissance sexuelle d’un côté et de pureté sexuelle de l’autre. La femme n’est pas censé réussir à éviter tout contact humain qui l’exposerait au déshonneur, elle a besoin pour cela de l’autorité masculine.
A contrario, l’humiliation consiste pour la femme à perdre sa pureté sexuelle et pour l’homme à l’incapacité de défendre sa réputation. L’adultère d’une femme est la démonstration que le mari trompé a échoué dans l’accomplissement de son devoir et qu’il a trahi les valeurs de la famille : « Ses qualités d’homme sont profanées » (p. 51). Quant au libertin, il aura juste suivi sa nature virile, source de fierté.
Honneur et honte sont donc synonymes : ils expriment virilité pour l’homme, pureté pour la femme et honnêteté pour les deux. Au sens négatif, « être sans honte » est équivalent au déshonneur : il qualifie les hommes et les femmes de peu de vertu, résignés à l’humiliation et incapables de défendre une quelconque réputation. Le peuple andalou étiquette ainsi les Gitans censés être sans vergogne.
La sanction du peuple au défaut d’honneur est la burla, exercée collectivement pour ridiculiser la victime : ce peut être l’attribution d’un sobriquet, l’invention d’une chansonnette outrageante ou encore le vito ou charivari, « avec ses cornes de vache, ses clochettes, ses chapelets de ferrailles, ses sifflets et ses chants obscènes » (p. 53). Le vito, interdit depuis le milieu du XXème siècle, se déclenchait (se déclenche encore malgré les interdits ?) contre toute atteinte à l’honneur : remariage de veufs (non purs par définition) ou mariage d’une fille-mère (l’honneur veut qu’on épouse une vierge), abandon par un homme d’une femme (et de sa famille) pour une autre (forcément sans vergogne). Ce mari infidèle est considéré comme un cocu, un cabrón.
Ceux qui échappent au vito sont les sans honneur et les señoritos, classe supérieure du village qui ne font donc pas partie de la communauté populaire. Un señorito peut impunément entretenir deux familles : « En prenant une maîtresse, l’homme du peuple profane sa famille, tandis que le señorito fait montre d’une masculinité supérieure » (p. 56).

L’honneur, la famille et la société
L’honneur est un caractère héréditaire et toute la famille se doit de tenir son rang : l’honneur préséance vient du côté du père, c’est une conquête masculine, alors que l’honneur honte procède de la mère et doit être conservé grâce la retenue féminine. Les insultes les plus graves sont en rapport avec la pureté de la mère et tout écart de la fille rejaillit sur toute la famille. Dans le pueblo, il n’y a pas de différences sociales liées aux différences économiques : tout le monde se tutoie, même entre employé et employeur. Le usted est réservé aux señoritos que l’on appelle par leur nom de baptême précédé de Don. Toute position d’autorité est délégué par la classe supérieure et ne dépend pas des qualités personnelles des individus. Un supérieur peut se permettre d’avoir des protégés qui lui rendent services, ce qu’on appelle un système de clientèle, alors qu’une relation de subordination entre égaux est humiliante : « Dans la lutte pour la vie, le succès dépend moins de la capacité à défendre ses droits contre des égaux que de celle de s’attirer la faveur des puissants » (p. 65). Un système de parenté rituelle vient renforcer ce principe (padrino, compadre).
Toute compétition se doit d’éviter de prendre en défaut la fierté d’un membre de la communauté, il n’est pas possible d’accepter l’humiliation avec dignité. Par exemple, un sport comme la boxe est considéré comme un acte de barbarie. Quant aux relations avec les étrangers, elles diffèrent selon le rang de ces derniers : en tant que visiteur appartenant à la classe des señoritos, il fait un honneur à la courtoisie des Andalous. Un homme du peuple sera considéré avec plus de suspicion surtout s’il vient travailler ou courtiser une fille. On cherchera à l’impressionner favorablement mais on le tiendra à l’œil.
S’il est déshonorant de frauder, il est tout à fait licite de bluffer, notamment en matière de marchandage : « Un marché n’est pas un marché si vous n’avez pas dit quarante mensonges » (p. 65). L’honnêteté est comme la loyauté : on la doit à certains, parents, amis, employeurs, parrains. On ne la doit pas aux entités abstraites comme l’état. Par ailleurs, le propriétaire au statut élevé ne doit pas être trop regardant et traiter avec indulgence les « peccadilles » de ses employés de confiance.
Lorsque la coutume et la loi s’accordent à répudier les réponses directes et violentes à l’honneur bafoué (interdiction du duel par la loi et vengeance considérée comme barbare par les gens raffinés), « il est fort peu de choses que puissent faire un homme pour restaurer son honneur égratigné si ce n’est imposer à l’événement l’interprétation la plus avantageuse… » (p. 77). L’honneur n’est touché que s’il est de notoriété publique que l’homme porte les cornes, ce qui arrive facilement dans le pueblo mais ni à la grande ville, protégée par l’anonymat, ni dans la classe supérieure où la femme a un statut qui ne peut pas être perdu.
Hors des classes supérieures, la femme est sous la tutelle d’un homme, soit son père, soit son mari. Elle ne devient indépendante qu’au veuvage où elle peut décider sur le plan financier pour elle et pour ses enfants : « Elle accède en fait aux responsabilités et au statut d’un homme » (p. 80).
L’auteur interprète l’ensemble de cette domination masculine sur la femme par la peur historique d’une ambition féminine de prendre le pouvoir sur les hommes par la sexualité (il rappelle par exemple l’épopée d’Ulysse qui dût s’attacher pour résister aux sirènes), de « vouloir inverser l’ordre de la nature » (p. 78). La femme insoumise est considérée comme une sorcière.
Dans le chant populaire, la femme bafouée ne peut que se transformer en homme jusqu’à ce que le fautif l’épouse et lui permette ainsi de recouvrer son honneur et sa place de femme. Seules les veuves et les aristocrates échappent à « l’honneur-honte » et à la tutelle obligatoire des hommes (ainsi que les sans honte par définition, sorcières et gitanes).

La relation à l’argent
« Payer est un privilège lié à la préséance […] être celui pour qui l’on paye demeure une très réelle humiliation » (p. 67). être dispendieux en Espagne est une marque d’honneur pour ceux qui en ont les moyens, à savoir les classes supérieures. Ces dernières dépendent des domaines fonciers pour accroître leurs biens et pouvoir ainsi faire preuve de bienfaisance. Le capitalisme est une pratique incompatible avec ce comportement : la relation à l’argent est liée à la domination sur les personnes (clients, femmes) et non sur les choses comme dans les pays puritains anglo-saxons : préférence pour l’« honneur-préséance » d’un côté, et l’« honneur-vertu » de l’autre. En revanche, le prestige des gens du peuple dépend lui, de l’opinion publique qui reconnaît la vertu plutôt que la préséance : « Les sanctions morales dont dispose le pueblo ont une valeur limitée dans la classe moyenne et nulle dans la classe supérieure » (p. 70). Quand on sait de plus que les femmes du peuple tiennent les cordons de la bourse et sortent régulièrement de chez elles pour toutes tâches alors que les femmes des classes moyennes ne s’occupent ni de finances ni de tâches domestiques et sortent peu, on comprend que les hommes des classes moyennes jouissent ainsi d’une plus grande liberté sexuelle que dans le peuple. La tendance s’inverse dans les classes supérieures où l’honneur sexuel joue un rôle beaucoup plus faible, trait qui pourrait être général à toute l’aristocratie et pas seulement à l’Espagne : « C’est autour du roi que l’on rencontre le moins d’honneur » (propos de Voltaire, p. 74).

En résumé, dans le peuple, l’honneur est associé à la honte et traité comme la vertu alors que l’honneur aristocratique se mesure à la préséance.


Généralités sur l’anthropologie de l’honneur
« L’honneur est la valeur qu’une personne possède à ses propres yeux mais c’est aussi ce qu’elle vaut au regard de ceux qui constituent la société » (p. 18). L’honneur est donc lié à la reconnaissance sociale, implique une certaine conduite et certains égards. A priori le code de l’honneur, lié à la tenue de ses engagements, est en contradiction avec la possession des honneurs. En fait, il a une double signification : à la fois au sens de la conduite exemplaire et également comme marque de reconnaissance sociale qui « fonde son droit à la préséance » (p. 38).
L’honneur est d’abord physique : « Dans le domaine de l’honneur, la force fait le droit » (p. 23). La tête (couronnement, décapitation, affront physique) est considérée comme un bien que l’on peut dérober, l’honneur est défendu ultimement par la violence physique. Il est également affaire de statut : l’aristocratie se veut au-dessus des lois du commun des mortels, un inférieur n’est pas censé avoir assez d’honneur pour être offensé par un supérieur et ce dernier peut ignorer l’affront d’un inférieur. La question de l’honneur ne vaut qu’entre ceux qui se reconnaissent égaux (responsabilité, défense, duel).
L’honneur n’est souillé que si l’humilié a connaissance de l’offense devant témoins (« Le ridicule tue », p. 26). La gravité correspondante est réduite si l’offenseur peut montrer l’innocence de ses intentions. De même, une promesse n’est valable que si elle est assortie d’une même intention ; si, par exemple, celui qui l’énonce croise les doigts à ce moment, il désengage son honneur : ainsi, « c’est le manque de fidélité aux intentions qui déshonore et non le fait de les déguiser » (p. 32)[2]. L’honneur exige à la fois la tenue de ses engagements (vis-à-vis de soi) et le mensonge à des fins de tromperie (pour rester fidèle à ses intentions) : « Un serment qui n’est pas fait librement n’est pas plus contraignant qu’une parole d’honneur qui n’est pas donnée du fond du cœur […] La vérité inaliénable du moi se confond avec le sacré » (p. 35).
Tout est donc affaire d’interprétation et la législation n’est pas efficace dans ce domaine, notamment contre le duel : « Aucun homme d’honneur, et moins que quiconque un aristocrate, n’eût admis de s’en remettre aux tribunaux pour le règlement de ses affaires d’honneur » (p. 29).
Il est important de prendre en considération le groupe social pour comprendre l’honneur espagnol : le proverbe dit bien « Dime con quien andas y te diré quien eres » (p. 37) [3]. C’est le représentant du groupe (le chef de famille, le chef de l’Etat) qui incarne son honneur. A ce titre, chacun lui doit obéissance et fidélité : « L’individu est né fils et sujet » (id.), ses intentions disparaissent devant celles de son souverain et maître.

Présentation en séance par Edouard
L’honneur est une affaire d’homme et d’abord une affaire de famille. L’honneur de l’homme c’est sa force, sa puissance sexuelle, celui de sa femme est sa pureté sexuelle, la honra, vergüenza. L’honneur de l’homme est de défendre celui de sa femme. Si sa femme fait des bêtises, c’est que lui n’a pas bien fait ce qu’il devait faire et son honneur en pâtira. La famille est en jeu car la réputation d’honneur se transmet de génération en génération.
La femme seule ne saurait pas toujours être honra, elle a besoin de l’homme. Ceux qui s’en foutent, les libertins, sont sin vergüenza, sans vergogne. Dans l’Andalousie, ce sont les gitans qui sont considérés sans honte.
Remarque : attention, les gitans ont aussi un code de l’honneur. Les enfants de la famille doivent toujours porter le gène de l’homme de la famille. Un homme peut avoir plusieurs femmes mais pas le contraire.
Suite exposé : ceux qui échappent à ce code de l’honneur sont les sans hontes et les señoritos. Ces derniers ne font pas partie de la communauté, s’ils ont deux familles, ce n’est pas un problème d’honneur, ils ont les moyens. De même une femme aristocrate ne peut pas perdre son honneur quoiqu’elle fasse.
Remarque : c’est celui qui penserait du mal de ces gens qui serait déshonoré : « honni soit qui mal y pense ».
Suite : les insultes les plus graves sont celles qui concernent la mère et l’honneur de la fille.
Du temps de Louis XIV, les femmes engrossées hors du mariage étaient obligées de s’enfuir et de mourir en forêt. C’était aussi une question de survie économique, les familles se fondaient de façon très organisée et stricte pour ne pas mourir de faim. Au XVIIIème on commence à regarder les registres de naissance et on repère que les grossesses seraient parfois de 6 mois (après le mariage) ! Au XIXème, c’est dans les familles aisées que l’amour de l’enfant commence.
Dans le pueblo, tout le monde se tutoie, les relations sont égalitaires. Chacun va chercher à avoir des protecteurs hauts placés, c’est le système de clientèle.
Débat : un système qui existe toujours. On le sait mais on en parle de façon négative.
Suite : Chacun a son honneur à défendre et une relation de subordination entre égaux est humiliante. En revanche on cherche à avoir la protection d’un supérieur.

Débat
Les non-dits sous prétexte d’honneur familial
- Encore aujourd’hui, on ne peut pas avoir d’enfant hors du couple, surtout dans les villages : un père qui n’est pas le père naturel est soumis à la burla permanente. C’est la torture psychologique toute la vie. Et plus loin encore : j’ai entendu des histoires qui duraient de génération en génération. Au cours d’une fête, on parlait encore de la grand-mère qui avait fauté.
- Il y a les secrets de famille qui sont désastreux pour les gens. A Bruxelles, je connaissais un homme qui était fils naturel et on a essayé de lui cacher. Il a deviné, maintenant il sait et il continue à mal le vivre.
- J’ai connu une histoire similaire : une grand-mère qui passe pour la mère de la fille de sa fille et tout le monde sait la vérité sans le dire.
- Dans presque toutes les familles il y a un secret. Même dans les générations récentes. Parce qu’on refoule tout ce qui n’est pas comme il faudrait. La mémoire est toujours un peu fuyante, on sélectionne ce qu’on retient. En tant que psychologue clinicien, j’observe que les enfants savent, même si on ne leur a rien dit. C’est peut-être dû à l’attitude corporelle et les enfants saisissent beaucoup plus rapidement les contradictions que les adultes.
Heureusement, les femmes ont réussi à être indépendantes économiquement. Cela permet d’éviter ces histoires qui n’en finissent pas même si ces histoires ont aussi d’autres explications (voir la psychanalyse de Freud qui dit que la tentation de dominer la femme serait liée à la peur de la mère toute puissante).

Insultes et évolutions des mœurs
- Sur les insultes, quand on dit « fils de pute » à quelqu’un c’est une insulte dans le monde entier et pas seulement en Espagne (par ex. on traite de bâtard en Angleterre). Ici, le coupable n’est pas le bâtard mais la mère. On peut tracer une relation infinie. C’est une relation féodale, il manque le coupable, le père ou le grand-père.
- On vit un changement, une mutation : on ne dit plus « fils de pute » comme une insulte, on dit à chaque phrase « de puta madre », comme une expression banale, qui perd son contenu, comme pour pouvoir passer d’une chose à l’autre.
- On a aussi un problème qui consiste à imiter le supérieur alors qu’il n’est pas un bon modèle, n’étant pas soumis au code de l’honneur vertu. Nous avons adopté les attitudes de la noblesse : comme tous les riches ont pratiqué cela pendant des siècles, alors pourquoi pas moi.

Emancipation féminine, violence conjugale et modernité
- L’émancipation des femmes sur le plan économique peut aussi expliquer la recrudescence de violence : l’homme n’ayant plus l’honneur de la femme à préserver puisqu’elle peut se débrouiller seule, il serait perdu et chercherait à revenir à une forme de domination sans y parvenir…
- La violence a en effet beaucoup à voir avec l’indépendance économique de la femme. Le mariage était une espèce de travail et maintenant la femme gagne son argent. Il y a des hommes qui ne peuvent pas supporter que leur femme les quitte. Cela, dans le modèle de l’honneur du pueblo car pour la monarchie le problème ne se pose pas de la même façon. Par exemple, Elisabeth la seconde n’a pas eu un fils de son mari mais de ses amants.
- A propos du rôle de l’homme au pueblo. Il se sentait bien en protégeant la femme et la famille. La protection n’est pas forcément une relation de domination : c’est un support, l’homme se sentait obligé. Cela permettait à l’homme de se retenir d’être violent car il se sentait responsable d’elle. Au moins, sans pouvoir économique, sans droit de parole religieux, il y avait un peu d’honneur : « La femme est pure, elle a les enfants que je lui ai donnés et rien de plus ». Une façon de blesser une personne, c’était bien de dire « ta mère est une pute ». Maintenant, c’est fantastique que la femme puisse trouver du travail. Mais alors, l’homme ne se sent rien, il n’a rien à partager. Aujourd’hui, on s’en fiche, on a tout, on mange bien, et ce qu’a fait la mère on s’en fout… Et puta madre !
- Attention, ce qui importe aussi dans l’indépendance de la femme c’est la maîtrise de la fécondité.
- C’est vrai, on fait un enfant ensemble maintenant.
- Avant c’était Dieu.
- L’éducation de la femme aussi est importante, elle est récente. On constate d’ailleurs que les femmes sont meilleures que les hommes sur les bancs de l’université. Elles ne sont pourtant pas aux postes d’autorités politiques et économiques. On est passé du regard de tout le monde au village à l’autonomie du droit de vote. Et l’Espagne est une démocratie toute jeune par rapport au reste de l’Europe. Le pouvoir du prêtre sur la famille est encore très récent.
- J’ai l’impression de ne pas voir ces changements récents, comme si l’Espagne que je vois aujourd’hui a toujours été comme je la vois aujourd’hui [intervention française].

Vitesse des changements « culturels » ?
- Les changements sont intervenus pour tout le monde il y a très peu de temps. Avec très peu de salive, on peut savoir vite qui est le père naturel d’un enfant. Indépendante économiquement ou pas, le problème de qui va hériter est résolu rapidement. ça donne aussi de l’indépendance aux hommes. C’est perturbant. Est-ce que l’homosexualité qui se donne à voir ne serait-elle pas une forme de réponse ?
- Je ne suis pas d’accord du tout, je crois qu’on naît homosexuel ou pas. Je pense qu’ils ne peuvent pas être d’autre façon, ils sont comme ça. L’existence des quartiers homosexuels, c’est un ghetto. Je sais que c’est difficile pour beaucoup de monde de voir des gens du même sexe se donner la main ou un baiser.
- L’Espagne a changé très vite. Par exemple, avec la loi sur le divorce, tout change depuis vingt ans alors qu’aux états-Unis, ça dure depuis 100 ans. Pour l’homosexualité, on est sorti d’un régime très strict de la religion catholique qui a castré la population espagnole.
- Par ma formation professionnelle [médecine], je pense pouvoir affirmer que l’homosexualité existe dans toute société : 5 à 10 % des personnes sont homosexuels. 5% sont « pratiquants », les 5% autres sont plus ou moins déclarés. De même, l’abus sexuel serait d’environ 5% dans toutes les couches de la société.

[1] Et l’honneur français correspondant à une certaine noblesse à laquelle il ne faut pas déroger expliquerait-il les suicides au travail (cette noblesse condamnant la pire servilité, celle de l’argent) ?
[2] On peut aussi faire référence à la devise de l’ordre de la Jarretière en Angleterre : « Honni soit qui mal y pense » (honte à celui qui y voit du mal)
[3] Et le proverbe français : « dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ». Montesquieu distingue la monarchie de la république par la différence de « principes actifs » : l’honneur pour la monarchie et la vertu pour la république. On peut reprendre le livre de Philippe d’Iribarne, « La logique de l’honneur » pour comparer les deux formes d’honneur, espagnols et français (voir la séance Condé n°1).

Séance 6 - Juillet 2006 : "« L’homme espagnol » de B. Benassar, l’honneur et la mort"

Résumé
Nous avons choisi deux chapitres du livre de Benassar. Nous commençons à percer les mystères de l’honneur espagnol qui diffère fortement du français : ne pourrait-on dire « honra » d’un côté et « noblesse » de l’autre ?

Victoria : l’honneur dans l’histoire espagnole
Bartolomé Benassar est professeur d’histoire à Toulouse. Il a toujours écrit sur l’Espagne et parle parfaitement bien l’espagnol. Dans ce livre, il explique notre caractère et notre sens de l’honneur à travers des actes de mariages et de l’inquisition, les journaux des voyageurs étrangers qui ont été surpris par les espagnols.
S’il y a une caractéristique qui distingue les espagnols du reste du monde, c’est son sens de l’honneur qui imprègne toute sa vie. Il y a deux types d’honneur en Espagne : celui de la défense de la femme et celui de la pureté du sang.

D’une façon générale, selon, les Partidas[1], l’honneur, c’est l’idée que les autres ont de quelqu’un. Pour Jorge Manrique[2], il y a trois vies : la réelle, la réputation, l’éternelle. L’honneur touche à ces trois vies.
En principe l’honneur est une question privée mais au Moyen-Age, s’il y a suspicion sur l’honneur de quelqu’un, c’est le roi qui décide en final (liée à la fidélité au seigneur, si l’individu devient félon, il perd ses droits).

La défense de la femme
Calderon et Lope de Vega ont considéré (XVII siècle) que l’honneur est l’affaire de tous : c’est l’honneur de la femme offensée qu’il faut défendre (répercussion sur toute la famille). L’honneur est affaire d’orgueil. Les voyageurs étaient très étonnés que les hommes et les femmes espagnols préféraient mettre en danger leur vie plutôt que de perdre leur honneur. Pour les hommes, il s’agit de défendre la virginité de la jeune fille et pour la femme, de rester fidèle à son mari.
Au temps de Charles IV, sa femme n’était pas fidèle. « Notre honneur est en sûreté en tant que tête couronnée » ! Philippe IV qui courrait derrière les femmes, exigeait de ses maîtresses d’aller au couvent pour éviter qu’elles couchent avec un autre.

La pureté du sang
Quand les juifs ont été chassés d’Espagne (à la fin de l’inquisition, au XVIème), l’honneur était celui de la pureté du sang et cela officiellement jusque 1858. Il ne fallait avoir ni Maure, ni juif dans sa famille y compris dans les ascendants. Pour avoir une charge officielle, il fallait être capable de prouver cette pureté sur plusieurs générations. Malgré la modification de la loi en 1858 (retrait de l’obligation de pureté de sang pour occuper une charge administrative), elle est resté en vigueur sous Franco : il fallait montrer qu’on n’était pas juif pour rentrer en fonction à l’Université, de même dans l’armée (investigations systématiques dans les familles sur la religion et la politique sur plusieurs générations).
On peut en trouver l’origine à la reconquête de l’Espagne par les rois catholiques (la reine avait des conseillers juifs mais elle se sentait l’obligation de donner une ligne à son pays : la religion). Les rois catholiques ont contrôlé l’Eglise Catholique. Après la mort de Charles I, l’Eglise catholique a dominé les politiques religieuses du territoire espagnol : a par exemple assuré l’éducation de Felipe X et fermé les universités pour éviter les contaminations des autres points de vue.
Si on découvrait qu’un riche avait des ascendants juifs, c’était le déshonneur, l’ignominie.

Honneur et déshonneur dans toutes les couches de la société ?
L’honneur était (est ?) générateur de violence : le moyen de laver le déshonneur, c’était se battre en duel. Finalement, on a décidé d’être plus tolérant, une seule goutte de sang suffisait pour laver l’honneur.
Le contraire de l’honneur noble : el Picaro. C’est un personnage typique des romans espagnols : voler aux autres sauf aux amis. Même les escrocs ont un code de l’honneur.
Il arrive alors que seules comptent les apparences (l’Hidalgo pouvait mourir de faim mais il était noble).

Débat sur l’honneur
- Qu’en est-il aujourd’hui ?
- C’est démodé ! Quand tu dis parole d’honneur, personne ne te croit
- Ça dépend qui le dit.
- Je pense qu’il y a une persistance : dans la famille on transmet quelque chose. Il y a eu des suicides pour honneur ; Il reste une trace.
- Moi je crois aussi que ça a disparu ; Dans les journaux par exemple, on voit des horreurs sur un vol et un mois après le voleur peut marcher impunément dans la rue.
- La société a changé, la figure d’el Picaro est restée malheureusement !
- On vivait des apparences. Maintenant tout le monde fait n’importe quoi alors on se permet tout. Comme au restaurant, où tout le monde sait que tel homme est un trafiquant de drogue et on lui fait des courbettes.
- On a changé l’honneur pour l’argent : le pouvoir de « l’avoir ».
- Pour le français qui a aussi un honneur très fort, c’est bien de déroger à la loi si elle va à l’encontre de l’honneur. Le protestant réagit très différemment (voir l’éthique protestante de Weber).
- En Espagne, on est fier de voler. Un paradoxe ? En France, il y a beaucoup de scandale mais il y a une transparence, pas en Espagne.
- Tout le contraire du puritanisme des calvinistes en Amérique (notamment à Boston, Philadelphia, Michigan…). C’est horrible ! Ici (en Espagne) tout est permis, la religion n’existe pas. Il doit bien y avoir un juste milieu… Dans une entreprise publique, le personnel ne fait rien, vole. Dans le privé, c’est tout le contraire, il doit trop travailler. C’est pas possible, il doit bien y avoir l’équilibre.
- On croyait, en rentrant dans l’union européenne, qu’il y aurait un contrôle mais chaque pays continue avec sa ligne. En Allemagne, il n’y a pas cet européanisme. Ici on voyait trop de corruption de notre état. Ex : Marvella est sorti mais que connaît-on d’autre ? C’est le problème de toutes les mairies.
- Il y a un problème avec la loi du sol mais il ne faut pas tout noircir ; l’espagnol noircit tout sur l’Espagne...
- Comme le français…

“Bien mourir” par Marta
Vamos a hablar de esa fama que tenemos de estar obsesionado por la muerte. Bennassar, estoy de acuerdo, viene de que ama como locura a la vida. Ve la muerte como una continuación para disfrutar de la vida. Entonces, tiene menos miedo a morir. Tienes menos miedo si has bien vivido. España es el país en que hay menos suicido.
Hay un dicho español (del siglo XVI à XIX) que dice: “La ignorancia hace la feliz”.

Débat sur la mort
- No estoy de acuerdo: c’est une question de région, d’époque et d’éducation. En el siglo XX en la epoqua franquista, la mort c’est l’enfer (pour les Catholiques, c’est-à-dire tout le monde). On avait peur de la mort, si tu avais pêché tu allais en enfer. Mais tout est pecado, alors on va forcément en enfer. Le pêché est toujours au-dessous de la ceinture.
- Il y a contradiction, les gens vraiment religieux croient qu’ils vont au ciel, au paradis. Ils croient qu’ils font tout ce qu’il faut faire.
- La peur de la mort aujourd’hui c’est si tu ne crois en rien, l’histoire est finie, ça fait peur. En ce qui concerne le catholicisme, si ta mort t’attrape, tu ne peux pas t’être confessé à temps, c’est l’enfer. Si tu viens de confesse, tu es tranquille.
- La réforme calvinisme c’est le retrait de cette peur.
- Attention, avec le catholicisme, la peur de l’enfer était surtout pour manipuler les foules.
- Par exemple, les processions effraient les voyageurs : c’est la fonction de cette manifestation.
- Pourtant, à Séville, c’est la fête, ce ne sont pas des processions noires.
- La muerte nos es iguala a todo: Miguel del Assar, habla de una tumba común. La leyenda de la tumba dice: “aquí se acaba el gozo (le plaisir) de los injustos”.
- Quelle différence y a-t-il entre l’Angletterre et l’Espagne ? En Angleterre, le contrôle de l’église est très dur et personne ne dit rien.
- Pour le protestantisme, l’avenir est sur la terre. Pour le catholique, la voie est dans le ciel. C’est pour cela qu’il y a plus de liberté dans les pays catholiques : au fond, si tu vois la hiérarchie d’une église anglicane, elle est plus dure que la romaine. Le prêtre fait ce qu’il veut.
- Qui ne connaît pas dans son village un prêtre qui n’a pas eu d’histoire avec une femme... C’est permis. Jusqu’au XIXème c’était presque officiel que le curé ait la mancebilla.(voir la séance 15 sur la mort en Occident, d’après le livre de Philippe Ariès)

[1] Livre légal le plus important en Espagne. Rédigé par Alphonse X le savant, date de 1248, est rentré en vigueur un siècle après et est resté utilisé jusqu’en 1889
[2] Auteur de « las coplas a la muerte de mi padre », XIV-XVs. Neveu du marquis de Santillana, de la Rioja, berceau de la Castille.