dimanche 14 octobre 2007

Séance 7 – Septembre 2006 : "« Anthropologie de l’honneur » de Julian Pitt-Rivers"

Résumé
L’honneur espagnol à nouveau : il est familial, lié à la honra féminine. L’honneur de l’homme (sa force) est de défendre celui de la femme (sa pureté). La loi n’a pas grand-chose à voir avec cela. Plus tard, il s’agira également de prouver la pureté du sang (ni juif, ni maure). Serait-ce une clé pour comprendre les violences conjugales actuelles (le statut de l’homme est très instable depuis que la femme travaille et sait mobiliser la loi à son avantage) ?[1]

Résumé des chapitres 1 & 2 par Béatrice
Cet ouvrage, écrit en 1977 après de nombreuses années de « terrain », situe la question de l’Honneur en Andalousie dans une perspective historique. Il commence par une présentation générale du thème de l’honneur avant d’aborder les spécificités andalouses en relation avec les codes de la famille et les structures sociales. Il termine par une lecture inédite du mythe biblique de Sichem. Nous faisons ici un résumé du chapitre deuxième, « Honneur et statut social en Andalousie » suivi du résumé du chapitre premier « Anthropologie de l’honneur ».

Honneur et statut social en Andalousie
L’honneur est affaire d’utilité pratique autant que de fierté, c’est un capital précieux qu’il s’agit de préserver.

Honneur hombría des hommes et honneur honra des femmes
Pour l’homme, l’honneur est celui de la famille. En premier lieu il s’agit de défendre l’honneur des femmes. Ce dernier correspond à la pureté sexuelle, aussi nommé honra ou vergüenza. L’honneur de l’homme est ainsi tributaire de la pureté de la femme, l’orgueil masculin est la hombría, le souci de réputation : « La retenue féminine est la base naturelle de la pureté sexuelle, comme la virilité, est la base naturelle de l’autorité et de la défense de l’honneur familial » (p. 49). Le système de l’honneur repose sur les qualités naturelles de puissance sexuelle d’un côté et de pureté sexuelle de l’autre. La femme n’est pas censé réussir à éviter tout contact humain qui l’exposerait au déshonneur, elle a besoin pour cela de l’autorité masculine.
A contrario, l’humiliation consiste pour la femme à perdre sa pureté sexuelle et pour l’homme à l’incapacité de défendre sa réputation. L’adultère d’une femme est la démonstration que le mari trompé a échoué dans l’accomplissement de son devoir et qu’il a trahi les valeurs de la famille : « Ses qualités d’homme sont profanées » (p. 51). Quant au libertin, il aura juste suivi sa nature virile, source de fierté.
Honneur et honte sont donc synonymes : ils expriment virilité pour l’homme, pureté pour la femme et honnêteté pour les deux. Au sens négatif, « être sans honte » est équivalent au déshonneur : il qualifie les hommes et les femmes de peu de vertu, résignés à l’humiliation et incapables de défendre une quelconque réputation. Le peuple andalou étiquette ainsi les Gitans censés être sans vergogne.
La sanction du peuple au défaut d’honneur est la burla, exercée collectivement pour ridiculiser la victime : ce peut être l’attribution d’un sobriquet, l’invention d’une chansonnette outrageante ou encore le vito ou charivari, « avec ses cornes de vache, ses clochettes, ses chapelets de ferrailles, ses sifflets et ses chants obscènes » (p. 53). Le vito, interdit depuis le milieu du XXème siècle, se déclenchait (se déclenche encore malgré les interdits ?) contre toute atteinte à l’honneur : remariage de veufs (non purs par définition) ou mariage d’une fille-mère (l’honneur veut qu’on épouse une vierge), abandon par un homme d’une femme (et de sa famille) pour une autre (forcément sans vergogne). Ce mari infidèle est considéré comme un cocu, un cabrón.
Ceux qui échappent au vito sont les sans honneur et les señoritos, classe supérieure du village qui ne font donc pas partie de la communauté populaire. Un señorito peut impunément entretenir deux familles : « En prenant une maîtresse, l’homme du peuple profane sa famille, tandis que le señorito fait montre d’une masculinité supérieure » (p. 56).

L’honneur, la famille et la société
L’honneur est un caractère héréditaire et toute la famille se doit de tenir son rang : l’honneur préséance vient du côté du père, c’est une conquête masculine, alors que l’honneur honte procède de la mère et doit être conservé grâce la retenue féminine. Les insultes les plus graves sont en rapport avec la pureté de la mère et tout écart de la fille rejaillit sur toute la famille. Dans le pueblo, il n’y a pas de différences sociales liées aux différences économiques : tout le monde se tutoie, même entre employé et employeur. Le usted est réservé aux señoritos que l’on appelle par leur nom de baptême précédé de Don. Toute position d’autorité est délégué par la classe supérieure et ne dépend pas des qualités personnelles des individus. Un supérieur peut se permettre d’avoir des protégés qui lui rendent services, ce qu’on appelle un système de clientèle, alors qu’une relation de subordination entre égaux est humiliante : « Dans la lutte pour la vie, le succès dépend moins de la capacité à défendre ses droits contre des égaux que de celle de s’attirer la faveur des puissants » (p. 65). Un système de parenté rituelle vient renforcer ce principe (padrino, compadre).
Toute compétition se doit d’éviter de prendre en défaut la fierté d’un membre de la communauté, il n’est pas possible d’accepter l’humiliation avec dignité. Par exemple, un sport comme la boxe est considéré comme un acte de barbarie. Quant aux relations avec les étrangers, elles diffèrent selon le rang de ces derniers : en tant que visiteur appartenant à la classe des señoritos, il fait un honneur à la courtoisie des Andalous. Un homme du peuple sera considéré avec plus de suspicion surtout s’il vient travailler ou courtiser une fille. On cherchera à l’impressionner favorablement mais on le tiendra à l’œil.
S’il est déshonorant de frauder, il est tout à fait licite de bluffer, notamment en matière de marchandage : « Un marché n’est pas un marché si vous n’avez pas dit quarante mensonges » (p. 65). L’honnêteté est comme la loyauté : on la doit à certains, parents, amis, employeurs, parrains. On ne la doit pas aux entités abstraites comme l’état. Par ailleurs, le propriétaire au statut élevé ne doit pas être trop regardant et traiter avec indulgence les « peccadilles » de ses employés de confiance.
Lorsque la coutume et la loi s’accordent à répudier les réponses directes et violentes à l’honneur bafoué (interdiction du duel par la loi et vengeance considérée comme barbare par les gens raffinés), « il est fort peu de choses que puissent faire un homme pour restaurer son honneur égratigné si ce n’est imposer à l’événement l’interprétation la plus avantageuse… » (p. 77). L’honneur n’est touché que s’il est de notoriété publique que l’homme porte les cornes, ce qui arrive facilement dans le pueblo mais ni à la grande ville, protégée par l’anonymat, ni dans la classe supérieure où la femme a un statut qui ne peut pas être perdu.
Hors des classes supérieures, la femme est sous la tutelle d’un homme, soit son père, soit son mari. Elle ne devient indépendante qu’au veuvage où elle peut décider sur le plan financier pour elle et pour ses enfants : « Elle accède en fait aux responsabilités et au statut d’un homme » (p. 80).
L’auteur interprète l’ensemble de cette domination masculine sur la femme par la peur historique d’une ambition féminine de prendre le pouvoir sur les hommes par la sexualité (il rappelle par exemple l’épopée d’Ulysse qui dût s’attacher pour résister aux sirènes), de « vouloir inverser l’ordre de la nature » (p. 78). La femme insoumise est considérée comme une sorcière.
Dans le chant populaire, la femme bafouée ne peut que se transformer en homme jusqu’à ce que le fautif l’épouse et lui permette ainsi de recouvrer son honneur et sa place de femme. Seules les veuves et les aristocrates échappent à « l’honneur-honte » et à la tutelle obligatoire des hommes (ainsi que les sans honte par définition, sorcières et gitanes).

La relation à l’argent
« Payer est un privilège lié à la préséance […] être celui pour qui l’on paye demeure une très réelle humiliation » (p. 67). être dispendieux en Espagne est une marque d’honneur pour ceux qui en ont les moyens, à savoir les classes supérieures. Ces dernières dépendent des domaines fonciers pour accroître leurs biens et pouvoir ainsi faire preuve de bienfaisance. Le capitalisme est une pratique incompatible avec ce comportement : la relation à l’argent est liée à la domination sur les personnes (clients, femmes) et non sur les choses comme dans les pays puritains anglo-saxons : préférence pour l’« honneur-préséance » d’un côté, et l’« honneur-vertu » de l’autre. En revanche, le prestige des gens du peuple dépend lui, de l’opinion publique qui reconnaît la vertu plutôt que la préséance : « Les sanctions morales dont dispose le pueblo ont une valeur limitée dans la classe moyenne et nulle dans la classe supérieure » (p. 70). Quand on sait de plus que les femmes du peuple tiennent les cordons de la bourse et sortent régulièrement de chez elles pour toutes tâches alors que les femmes des classes moyennes ne s’occupent ni de finances ni de tâches domestiques et sortent peu, on comprend que les hommes des classes moyennes jouissent ainsi d’une plus grande liberté sexuelle que dans le peuple. La tendance s’inverse dans les classes supérieures où l’honneur sexuel joue un rôle beaucoup plus faible, trait qui pourrait être général à toute l’aristocratie et pas seulement à l’Espagne : « C’est autour du roi que l’on rencontre le moins d’honneur » (propos de Voltaire, p. 74).

En résumé, dans le peuple, l’honneur est associé à la honte et traité comme la vertu alors que l’honneur aristocratique se mesure à la préséance.


Généralités sur l’anthropologie de l’honneur
« L’honneur est la valeur qu’une personne possède à ses propres yeux mais c’est aussi ce qu’elle vaut au regard de ceux qui constituent la société » (p. 18). L’honneur est donc lié à la reconnaissance sociale, implique une certaine conduite et certains égards. A priori le code de l’honneur, lié à la tenue de ses engagements, est en contradiction avec la possession des honneurs. En fait, il a une double signification : à la fois au sens de la conduite exemplaire et également comme marque de reconnaissance sociale qui « fonde son droit à la préséance » (p. 38).
L’honneur est d’abord physique : « Dans le domaine de l’honneur, la force fait le droit » (p. 23). La tête (couronnement, décapitation, affront physique) est considérée comme un bien que l’on peut dérober, l’honneur est défendu ultimement par la violence physique. Il est également affaire de statut : l’aristocratie se veut au-dessus des lois du commun des mortels, un inférieur n’est pas censé avoir assez d’honneur pour être offensé par un supérieur et ce dernier peut ignorer l’affront d’un inférieur. La question de l’honneur ne vaut qu’entre ceux qui se reconnaissent égaux (responsabilité, défense, duel).
L’honneur n’est souillé que si l’humilié a connaissance de l’offense devant témoins (« Le ridicule tue », p. 26). La gravité correspondante est réduite si l’offenseur peut montrer l’innocence de ses intentions. De même, une promesse n’est valable que si elle est assortie d’une même intention ; si, par exemple, celui qui l’énonce croise les doigts à ce moment, il désengage son honneur : ainsi, « c’est le manque de fidélité aux intentions qui déshonore et non le fait de les déguiser » (p. 32)[2]. L’honneur exige à la fois la tenue de ses engagements (vis-à-vis de soi) et le mensonge à des fins de tromperie (pour rester fidèle à ses intentions) : « Un serment qui n’est pas fait librement n’est pas plus contraignant qu’une parole d’honneur qui n’est pas donnée du fond du cœur […] La vérité inaliénable du moi se confond avec le sacré » (p. 35).
Tout est donc affaire d’interprétation et la législation n’est pas efficace dans ce domaine, notamment contre le duel : « Aucun homme d’honneur, et moins que quiconque un aristocrate, n’eût admis de s’en remettre aux tribunaux pour le règlement de ses affaires d’honneur » (p. 29).
Il est important de prendre en considération le groupe social pour comprendre l’honneur espagnol : le proverbe dit bien « Dime con quien andas y te diré quien eres » (p. 37) [3]. C’est le représentant du groupe (le chef de famille, le chef de l’Etat) qui incarne son honneur. A ce titre, chacun lui doit obéissance et fidélité : « L’individu est né fils et sujet » (id.), ses intentions disparaissent devant celles de son souverain et maître.

Présentation en séance par Edouard
L’honneur est une affaire d’homme et d’abord une affaire de famille. L’honneur de l’homme c’est sa force, sa puissance sexuelle, celui de sa femme est sa pureté sexuelle, la honra, vergüenza. L’honneur de l’homme est de défendre celui de sa femme. Si sa femme fait des bêtises, c’est que lui n’a pas bien fait ce qu’il devait faire et son honneur en pâtira. La famille est en jeu car la réputation d’honneur se transmet de génération en génération.
La femme seule ne saurait pas toujours être honra, elle a besoin de l’homme. Ceux qui s’en foutent, les libertins, sont sin vergüenza, sans vergogne. Dans l’Andalousie, ce sont les gitans qui sont considérés sans honte.
Remarque : attention, les gitans ont aussi un code de l’honneur. Les enfants de la famille doivent toujours porter le gène de l’homme de la famille. Un homme peut avoir plusieurs femmes mais pas le contraire.
Suite exposé : ceux qui échappent à ce code de l’honneur sont les sans hontes et les señoritos. Ces derniers ne font pas partie de la communauté, s’ils ont deux familles, ce n’est pas un problème d’honneur, ils ont les moyens. De même une femme aristocrate ne peut pas perdre son honneur quoiqu’elle fasse.
Remarque : c’est celui qui penserait du mal de ces gens qui serait déshonoré : « honni soit qui mal y pense ».
Suite : les insultes les plus graves sont celles qui concernent la mère et l’honneur de la fille.
Du temps de Louis XIV, les femmes engrossées hors du mariage étaient obligées de s’enfuir et de mourir en forêt. C’était aussi une question de survie économique, les familles se fondaient de façon très organisée et stricte pour ne pas mourir de faim. Au XVIIIème on commence à regarder les registres de naissance et on repère que les grossesses seraient parfois de 6 mois (après le mariage) ! Au XIXème, c’est dans les familles aisées que l’amour de l’enfant commence.
Dans le pueblo, tout le monde se tutoie, les relations sont égalitaires. Chacun va chercher à avoir des protecteurs hauts placés, c’est le système de clientèle.
Débat : un système qui existe toujours. On le sait mais on en parle de façon négative.
Suite : Chacun a son honneur à défendre et une relation de subordination entre égaux est humiliante. En revanche on cherche à avoir la protection d’un supérieur.

Débat
Les non-dits sous prétexte d’honneur familial
- Encore aujourd’hui, on ne peut pas avoir d’enfant hors du couple, surtout dans les villages : un père qui n’est pas le père naturel est soumis à la burla permanente. C’est la torture psychologique toute la vie. Et plus loin encore : j’ai entendu des histoires qui duraient de génération en génération. Au cours d’une fête, on parlait encore de la grand-mère qui avait fauté.
- Il y a les secrets de famille qui sont désastreux pour les gens. A Bruxelles, je connaissais un homme qui était fils naturel et on a essayé de lui cacher. Il a deviné, maintenant il sait et il continue à mal le vivre.
- J’ai connu une histoire similaire : une grand-mère qui passe pour la mère de la fille de sa fille et tout le monde sait la vérité sans le dire.
- Dans presque toutes les familles il y a un secret. Même dans les générations récentes. Parce qu’on refoule tout ce qui n’est pas comme il faudrait. La mémoire est toujours un peu fuyante, on sélectionne ce qu’on retient. En tant que psychologue clinicien, j’observe que les enfants savent, même si on ne leur a rien dit. C’est peut-être dû à l’attitude corporelle et les enfants saisissent beaucoup plus rapidement les contradictions que les adultes.
Heureusement, les femmes ont réussi à être indépendantes économiquement. Cela permet d’éviter ces histoires qui n’en finissent pas même si ces histoires ont aussi d’autres explications (voir la psychanalyse de Freud qui dit que la tentation de dominer la femme serait liée à la peur de la mère toute puissante).

Insultes et évolutions des mœurs
- Sur les insultes, quand on dit « fils de pute » à quelqu’un c’est une insulte dans le monde entier et pas seulement en Espagne (par ex. on traite de bâtard en Angleterre). Ici, le coupable n’est pas le bâtard mais la mère. On peut tracer une relation infinie. C’est une relation féodale, il manque le coupable, le père ou le grand-père.
- On vit un changement, une mutation : on ne dit plus « fils de pute » comme une insulte, on dit à chaque phrase « de puta madre », comme une expression banale, qui perd son contenu, comme pour pouvoir passer d’une chose à l’autre.
- On a aussi un problème qui consiste à imiter le supérieur alors qu’il n’est pas un bon modèle, n’étant pas soumis au code de l’honneur vertu. Nous avons adopté les attitudes de la noblesse : comme tous les riches ont pratiqué cela pendant des siècles, alors pourquoi pas moi.

Emancipation féminine, violence conjugale et modernité
- L’émancipation des femmes sur le plan économique peut aussi expliquer la recrudescence de violence : l’homme n’ayant plus l’honneur de la femme à préserver puisqu’elle peut se débrouiller seule, il serait perdu et chercherait à revenir à une forme de domination sans y parvenir…
- La violence a en effet beaucoup à voir avec l’indépendance économique de la femme. Le mariage était une espèce de travail et maintenant la femme gagne son argent. Il y a des hommes qui ne peuvent pas supporter que leur femme les quitte. Cela, dans le modèle de l’honneur du pueblo car pour la monarchie le problème ne se pose pas de la même façon. Par exemple, Elisabeth la seconde n’a pas eu un fils de son mari mais de ses amants.
- A propos du rôle de l’homme au pueblo. Il se sentait bien en protégeant la femme et la famille. La protection n’est pas forcément une relation de domination : c’est un support, l’homme se sentait obligé. Cela permettait à l’homme de se retenir d’être violent car il se sentait responsable d’elle. Au moins, sans pouvoir économique, sans droit de parole religieux, il y avait un peu d’honneur : « La femme est pure, elle a les enfants que je lui ai donnés et rien de plus ». Une façon de blesser une personne, c’était bien de dire « ta mère est une pute ». Maintenant, c’est fantastique que la femme puisse trouver du travail. Mais alors, l’homme ne se sent rien, il n’a rien à partager. Aujourd’hui, on s’en fiche, on a tout, on mange bien, et ce qu’a fait la mère on s’en fout… Et puta madre !
- Attention, ce qui importe aussi dans l’indépendance de la femme c’est la maîtrise de la fécondité.
- C’est vrai, on fait un enfant ensemble maintenant.
- Avant c’était Dieu.
- L’éducation de la femme aussi est importante, elle est récente. On constate d’ailleurs que les femmes sont meilleures que les hommes sur les bancs de l’université. Elles ne sont pourtant pas aux postes d’autorités politiques et économiques. On est passé du regard de tout le monde au village à l’autonomie du droit de vote. Et l’Espagne est une démocratie toute jeune par rapport au reste de l’Europe. Le pouvoir du prêtre sur la famille est encore très récent.
- J’ai l’impression de ne pas voir ces changements récents, comme si l’Espagne que je vois aujourd’hui a toujours été comme je la vois aujourd’hui [intervention française].

Vitesse des changements « culturels » ?
- Les changements sont intervenus pour tout le monde il y a très peu de temps. Avec très peu de salive, on peut savoir vite qui est le père naturel d’un enfant. Indépendante économiquement ou pas, le problème de qui va hériter est résolu rapidement. ça donne aussi de l’indépendance aux hommes. C’est perturbant. Est-ce que l’homosexualité qui se donne à voir ne serait-elle pas une forme de réponse ?
- Je ne suis pas d’accord du tout, je crois qu’on naît homosexuel ou pas. Je pense qu’ils ne peuvent pas être d’autre façon, ils sont comme ça. L’existence des quartiers homosexuels, c’est un ghetto. Je sais que c’est difficile pour beaucoup de monde de voir des gens du même sexe se donner la main ou un baiser.
- L’Espagne a changé très vite. Par exemple, avec la loi sur le divorce, tout change depuis vingt ans alors qu’aux états-Unis, ça dure depuis 100 ans. Pour l’homosexualité, on est sorti d’un régime très strict de la religion catholique qui a castré la population espagnole.
- Par ma formation professionnelle [médecine], je pense pouvoir affirmer que l’homosexualité existe dans toute société : 5 à 10 % des personnes sont homosexuels. 5% sont « pratiquants », les 5% autres sont plus ou moins déclarés. De même, l’abus sexuel serait d’environ 5% dans toutes les couches de la société.

[1] Et l’honneur français correspondant à une certaine noblesse à laquelle il ne faut pas déroger expliquerait-il les suicides au travail (cette noblesse condamnant la pire servilité, celle de l’argent) ?
[2] On peut aussi faire référence à la devise de l’ordre de la Jarretière en Angleterre : « Honni soit qui mal y pense » (honte à celui qui y voit du mal)
[3] Et le proverbe français : « dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ». Montesquieu distingue la monarchie de la république par la différence de « principes actifs » : l’honneur pour la monarchie et la vertu pour la république. On peut reprendre le livre de Philippe d’Iribarne, « La logique de l’honneur » pour comparer les deux formes d’honneur, espagnols et français (voir la séance Condé n°1).

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