dimanche 14 octobre 2007

Séance 15 - Avril 2007 : "« Essai sur la mort en occident » de Philippe Ariès"

Résumé
En Europe, on utilise de plus en plus la crémation, ce qui perturbe fortement tous les rituels. Il faut les réinventer, chacun avec ses coutumes : l’Espagne avec ses petites boîtes, la France avec ses tombes. Entre la mort apprivoisée, la mort de soi et la mort interdite (où brûler ses morts trouve parfaitement sa place), existe-t-il voie médiane (ce qu’on entend souvent de la part des Espagnols qui se fatiguent parfois à n’être que « rouge » ou « noir »[1]) ?

Remarques
- Comment fait-on selon les pays quand quelqu’un meurt ? Ex de la pierre en France que l’on met sur les tombes. C’est un gros marché en France, comme les fleurs. En Espagne, on ne sait pas où la mettre car les tombes sont des boîtes !
- On a aussi des grosses couronnes de fleurs, on dit plutôt gerbe en France. Il y a aussi des différences entre les villages où c’est une grande assemblée et les villes.
- Ce sujet de la mort me fait penser au récit d’une anthropologue sur radio national le dimanche : elle parle des gens célèbres dont chacun réclame les os ; elle fait le récit des voyages des restes des hommes morts !
- J’ai regardé sur Internet et ai trouvé des choses curieuses : La Galice ressemble à la Bretagne sur le thème de la cérémonie de l’enterrement : par exemple, quand quelqu’un meurt, les cloches sonnent différemment si c’est une femme, un homme ou un enfant.
« En Espagne on ne fait pas de faire part de mariage, de baptême ou de communion. Et pour les décès, on fait ce qu’on appelle des esquelas, même si on n’est pas catholique. Avant, on la pliait en forme de triangle quand on l’envoyait dans un domicile. Tout le monde savait de quoi il s’agissait »
« En France on met le bandeau noir. En Espagne aussi ».
« Si c’est un enfant qui est mort, on met un ange ou une figure, pas une croix ».

Présentation du livre par Andrès
Le premier essai concerne les attitudes sociales devant la mort, l’entourage du mourrant. Il y a quatre phases : la mort apprivoisée, la mort de soi, la mort de toi et la mort interdite.
- La mort apprivoisée : au Moyen-Age, la mort est un acte social, normal, le mourant est entouré de toute la famille, il se prépare pour la mort, il fait réfléchir, sans peur de mourir. « On ne meurt pas sans savoir qu’on allait mourir » ; « la mort est une cérémonie organisée par le mourant lui-même ; on entrait dans la chambre du mourant librement ». Les os restaient près du village ou à l’église.
- La mort de soi : la mort prend une tournure dramatique et individuelle pour l’homme cultivé vers le milieu du Moyen-Age. Ex : la place du jugement dernier où chacun doit rendre compte devant Dieu.
- La mort de toi : au XVIIIème siècle, on exalte la mort, on la veut impressionnante, romantique ; c’est le culte nouveau des tombeaux et des cimetières. Le testament devient un acte légal de distribution des biens alors qu’il exprimait les volontés du mourant (dont la multitude des messes pour l’âme du mort). On n’accepte plus la mort de l’autre.
- La mort interdite : la mort devient un tabou au XXème siècle : on ne veut plus rien savoir de la mort.

Débat
« Avant les enfants faisaient partie de la mort. Aujourd’hui on cache le mort. »
« Avant, ça fait cinquante ans, pas plus… Depuis la télévision et les tanatorium (funérarium, là où garde le mort avant l’enterrement), c’est une entreprise qui s’occupe de tout, les choses ont changé. Il y a une salle VIP, une salle de bain, une chapelle, des petits gâteaux. »
« En France, les gens très pratiquants gardent encore le mort à la maison pendant les trois jours. Le cercueil est ouvert et les gens viennent voir »
« En Espagne, tu ne peux pas avoir le mort à la maison trois jours. Les lois municipales ne le permettent pas pour des raisons de santé. Tu peux le garder un jour »
« Comme l’éloignement des cimetières de la ville pour des raisons de santé »
« En Angleterre, tout a changé, peut-être le premier pays en Europe. Tout le monde a commencé à se faire incinéré. On n’a pas besoin de cimetière. Il y a environ vingt ans. »
« Comme l’invention de nouveaux rituels en France aux pompes funèbres pour réussir à faire le deuil.. Car on ne voit pas le mort… »[2]
« C’est une excuse de dire : je vais faire plaisir au mort en montant en haut de la montagne pour lancer les cendres… Il y a un peu d’hypocrisie. C’est une façon pour la famille de se débarrasser des cendres »
« Quand les gens vont mourir à l’hôpital (en France), on ne peut plus ramener la personne à la maison. Donc on appelle la famille avant la mort pour pouvoir garder le mort à la maison (sur matelas réfrigéré). Ceux qui vont au funérarium sont généralement ceux qui vont être incinéré. On voit quand même le mort pendant trois jours ».
« La dernière mode en parlant des cendres : c’est une entreprise suisse qui fait un diamant avec les cendres. Ca coûte entre 3 et 5 000 euros et ça prend deux mois. Tu peux porter les cendres de quelqu’un que tu aimais bien. »
« Tu deviens fou ! »
« En France, les cimetières ne sont pas prévus pour garder les urnes. On les garde à la maison. C’est un problème car les cimetières ne sont pas organisés pour ça ».
« Anecdote : A Séville, un homme qui aimait bien la bière a demandé qu’on verse ses cendres dans la compagnie qui fabrique cette bière. La fabrique a refusé et la famille a quand même gravé sur le mur qu’elle a versé les cendres par-dessus le mur. On ne sait toujours pas s’il y aura un procès ! »
« La loi devra être changée (en France) : car une dame a incinéré le mari et le chien et a mélangé les cendres pour les enterrer au cimetière des chiens ! D’autres ont vendu la maison où les cendres du grand-père étaient dans le jardin et aucun des héritiers ne voulait récupérer les cendres ! »
« en Espagne, tu peux acheter dans certaines églises ton urnes et être enterré là. Ça doit coûter trois ou quatre mille euros » ;
« Ce qui est vrai, c’est qu’aujourd’hui on meurt seul et à l’hôpital ; j’ai eu l’occasion de vérifier ça avec une vieille tante. La famille est là mais la nuit tu t’en vas »
« quand tu es très malade, ils te permettent de rester là. »
« Quand il a été très malade, mon père a dit qu’il ne voulait pas aller à l’hôpital. Mais mon frère qui était médecin l’a obligé d’aller à l’hôpital. Mon père n’était pas croyant et laissait une note pour se faire incinérer. Nous l’avons fait avec une cérémonie à l’église comme on l’a toujours fait dans la famille. Le pire est qu’on a été au crématorium et ma mère quand elle a vu mon père dans une urne, c’est comme si mon père était déjà trois fois mort. On a regretté d’avoir fait ça. Ma mère est très croyante »
« mais c’est le souhait du mort. Moi je ne veux pas que quelqu’un décide après ma mort de ne pas m’incinérer. »
« J’ai aussi une histoire avec ma tante qui est morte à l’hôpital : je suis persuadée qu’on choisit sa mort quand on vous laisse faire… Je l’ai vu prête pour mourir mais sa fille qui est médecin n’était pas prête elle. Elle a tout fait pour la garder en vie le plus longtemps possible... A l’hôpital on redevient un bébé, on vous ment, on vous prend en charge, on perd sa responsabilité »…
« J’ai décidé d’emmener ma tante à l’institut Covadonga pour ses trois derniers jours. Quand elle avait mal ou avait besoin de l’oxygène, il y avait toujours une infirmière, une bonne sœur… Elle a eu une mort très tranquille, on était tous autour d’elle mais elle était prise en charge médicalement, c’est bien ».

« La Santa Campana : ce sont les âmes des morts qui sont morts d’une mort violente ou qui ont laissé des choses à faire, alors elles se promènent la nuit avec une bougie qui était un os. C’est une croyance populaire. En Galice on ne peut pas marcher dans un chemin obscur sans penser à ça. C’est aussi la géographie qui veut ça.»
« Les cimetières sont éloignés de la ville à partir du XVIIème pour des raisons d’hygiène. »

« Aujourd’hui, avec la technologie on croit qu’on ne peut pas mourir ! »
« Mais la technologie ne change pas la biologie »
« En Espagne, les femmes étaient exclues des processions au début du XXème siècle, sauf les cortèges des enfants. C’est à partir de la première guerre mondiale que les choses ont changé : les femmes sont priées d’assister aux obsèques »
« Dans quelques villages en Espagne, il y a encore pas longtemps, les femmes n’allaient pas aux enterrements. Elles restaient à la maison et elles préparaient le grand banquet »
« Dans l’Islam, les femmes ne sont pas obligées d’aller à la mosquée ».
« J’ai lu un épitaphe sur internet : ci-git, …, mauvais électricien ».

[1] Propos d’une française fille de réfugiés espagnole durant la guerre civile.
[2] Vous trouverez en pièce jointe un texte de l’école de Paris sur le rituel des pompes funèbres en France.

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