jeudi 27 décembre 2007

Condé 19 (septembre 07) : voyage en Charentes


Récit de voyage en Charente

On regarde les photos qui sont magnifiques ! Il faisait très beau, on le voit ! C’est du soleil partout ! Il faisait froid même (sauf le matin) !

- Surgères, c’est un village merveilleux. L’histoire que nous racontait le guide, le château, la porte, l’église, c’était 9h du matin, il faisait froid mais il y avait le soleil, beaucoup d’arbres près de la rivière, comme si on était au Moyen-âge, on était dans l’ambiance… Dommage qu’on n’ait pas vu le marché comme prévu car on avait changé le programme pour aller à Saintes ;

Ce que j’ai préféré, c’est la maison de Pierre Loti à Rochefort : j’ai découvert tout ce qu’il était et ce qu’il signifiait…

- ça c’est le visite de Sainte (on regarde toujours les photos), on montait tout le temps ! (aux arènes et à Saint Eutrope) ; pour moi, j’avais déjà presque tout vu et je suis contente d’avoir visité la maison de Pierre Loti et je n’ai pas été déçu du tout. On a vu l’homme dans toute sa grandeur et toute sa bassesse comme tu le dis dans le journal !

- Le pain français croustillant, les croissants, le pain, le beurre et la confiture

- Ce que j’ai préféré…je suis restée sous le charme du marais poitevin, le tour, l’histoire, la promenade, c’était bien pensé d’avoir vu d’abord l’endroit militaire à Brouage, ensuite la Rochelle, pouvoir faire l’histoire dans le passé quand c’était marécageux, maintenant c’est très cultivé, voir la Rochelle au fond, ça m’avait emballé, surtout d’avoir vu l’histoire d’avant, les digues pour empêcher l’eau salée de rentrer, et aussi Teddy-Moules tout entouré d’arbres avec un coucher de soleil magnifique, dans la ligne de ce qu’on avait vécu la journée, ça restera dans ma mémoire, une journée aussi complète. J’ai eu une impression pareille en Turquie. Souvent dans les voyages, on fait des choses les unes après les autres mais pas cette impression de continuité. La crypte de Saint-Eutrope, ça m’a fait beaucoup travaillé : ça ressemble à la crypte de Léon (San Isidore). J’ai cherché dans ma documentation, j’ai trouvé l’influence du chemin de saint jacques qui passait par là et ça nous renvoie à Urraca car le portail a été fini quand elle s’est mariée avec Don Alfonso… dans ce livre, on parle d’un portail de Léon qui viendrait de Saint-Hilaire de Poitiers et une église sur … Le Loir. Voir les influences réciproques qui viennent de la mode Bizantine puis la mode arabe (et on venait juste de repousser les arabes)…

- ça me rappelle un monastère de la riviera sacra à Orense en Galice, San Pedro de la Cueva, près de la rivière, il y a cinq ou six monastères

- les moines faisaient le vin, comme toujours. Ils travaillaient, ils avaient droit à un litre et demi par jour et un kilo de viande en comptant l’os. A Poitiers, il y a un reste de baptistère.

- Pour finir avec mes impressions, j’ai été étonnée par le mauvais état de l’art Roman en France mais ce qui est formidable c’est que les sites sont très bien entretenus, verts, pas trop bâtis. Pour le séjour, à la ferme, c’était plus hôtel et moins ferme. C’est très intéressant son jardin (Les gîtes de la Motte Aubert) : il essaie de faire des chemins de vue avec les arbres et les plantations, très agréable à regarder.

- Le jardin potager avait l’air tout en désordre. Quand on s’est promené, on s’est rendu compte que tout correspondait à un ordre déterminé.

- Les fleurs qui protègent les légumes des insectes. Et le jardin qui monte.

- Et les fleurs qu’on mange.

- Melle, tout des maisons en pierre, une ville seigneuriale, il y avait des maisons pleines de fleurs, des portails en fer, très bourgeois.

- Il y avait une très bonne confiserie, il y avait des biscuits et la tarte poitevine avec des pommes de terre rondes entières et des légumes et les quiches étaient très bonnes et les tourteaux fromagers…

- Moi j’ai adoré Pougne-Hérisson, le nombril du monde. Ce jardin des contes. C’est vrai que la visite est déroutante avec ce gars qui semble raconter n’importe quoi : le minerai de conte ! Ces savants fous dans leur laboratoire reconstitué comme celui des Curies au début du siècle. Ces machines folles où il manque « le facteur humain » ! Quelle rigolade. Ensuite j’ai écouté des histoires dans le jardin en mangeant des fruits, des noisettes et des fleurs !

- Et la salle des rumeurs…

- Très fou…

- La baignoire où on peut enregistrer ses histoires… (bon elle ne marchait pas !)

- Il fallait bien maîtriser le français…

- Les poteaux : on cherchait sa hauteur et on allait voir à qui ça correspondait (un personnage de conte de fée)

- Moi j’étais la princesse au petit pois ; Maria qui est plutôt petite était la sœur aînée du petit poucet...


19 novembre – Antiguo Instituto

Présentation de l’Alliance Française de Gijón et de l’atelier Condé par Ana, directrice de la AFG

Présentation de Philippe d’Iribarne par Béatrice, bénévole de l’AFG

Traduction en séquentiel de la conférence par Victoria, bénévole de l’AFG

Philippe d’Iribarne : ¿Que es el honor?

J’ai écrit « La logique de l’honneur »[1] il y a 20 ans ; on m’a dit à ce moment : « Mais l’honneur ce n’est pas français, c’est espagnol ! ». En effet, l’honneur se retrouve tout autour de la Méditerranée (cf. par exemple Bourdieu) mais il faut regarder comment un même mot peut avoir des significations très différentes. C’est enrichissant de comprendre ces différentes significations.

Je vais surtout parler de l’honneur français en m’appuyant sur un travail de comparaison du fonctionnement d’une même organisation en France, aux Pays-Bas et aux états-Unis. En France, on avait l’impression d’un très grand désordre et pourtant c’était efficace. Il y avait des règles mais on disait qu’on ne les suivait pas, il y avait des réunions mais on disait que ça servait à montrer que l’autre a un point de vue idiot.

El honor, es decir el prejuicio de cada persona y de cada condición

Personne ne parlait d’honneur. J’ai fini par comprendre comment fonctionnaient ces gens, quelles conceptions ils avaient de leur travail en rapprochant ce qu’ils disaient de ce que disait Montesquieu de l’honneur sous l’ancien régime (extrait de l’Esprit des lois).

L’honneur est lié à chaque condition selon la place que l’on occupe dans la société : quelque chose d’acceptable à une certaine place ne sera pas acceptable à une autre place. Par exemple, on dit en France qu’une Mercedes est une voiture de boucher. On considère qu’un boucher avec une Mercedes, c’est normal. Par contre, pour un intellectuel, avoir une Mercedes n’est pas adapté. C’est un préjugé : l’ensemble des choses que l’on fait ou que l’on ne fait pas est lié à la place que l’on occupe.

- « Las virtudes que nos muestra son siempre menos lo que le debemos a otros que los que nos debemos a nosotros mismos: no están tanto en lo que nos lleva hacia nuestros conciudadanos que en lo que nos distingue de ellos » (id.) : l’important n’est pas tant ce que l’on doit aux autres mais ce que l’on doit à soi-même, ce qui nous distingue des autres. « Haríamos pués muy mal en creer que el antiguo Régimen fue une época de servilismo y de independencia. Había mucha más libertad que hoy en día; pero era una especie de libertad irregular e intermitente, siempre ligada a la idea de excepción y de privilegio, que permitía casi tanto desafíar la ley como lo arbitrario” (Alexis de Tocqueville, El antiguo Régimen y la Revolución).

Prenons un exemple contemporain : “Nos son los padres quienes tienen que decir a los « maestros » [profesores de enseñanza secundaria] lo que tienen que hacer en clase ; tampoco los políticos de paso, ni los jefes de empresa, el imam, el obispo o el senador de la esquina. En conclusión el « maestro » sólo se debe a la lógica interna de su disciplina” (Punto de vista de Régis Debray en Le Monde, 3 de marzo de 1998). On dit pourtant dans tous les cours de management qu’il y a deux personnes importantes, le client et le chef. Ici, le chef est le politique de passage ou le sénateur du coin. Ce n’est pas au chef de décider. De même, les clients, qui sont ici les parents, n’ont pas leur mot à dire. Le professeur va à la fois refuser le client et le chef. Il ne fait pas ce qu’il veut mais son devoir est fixé par son métier : c’est la place qu’il occupe dans la société qui va décider ce qu’il doit faire et il se fonde sur les coutumes de son métier pour résister à son chef et au client.

Noblesse oblige

Les pilotos no supieron resistir a la tentación. Al vivir entre ellos, no oyeron a los demás. […] Como si la nobleza de una profesión no obligase al que la ejerce a cumplir un deber social tanto como profesional” (Editorial de Syndicalisme Hebdo CFDT, 11 de junio de 1998, fecha en la que tuvo lugar la copa mundial de fútbol en Francia): avec ceci, il y a des choses plus ou moins nobles. Cette référence à la noblesse sert à critiquer ceux qui ne font pas leur devoir vis-à-vis de la société. C’est un trait caractéristique de la France : plus on occupe un poste haut dans la société, plus on a de devoirs (noblesse oblige), sinon on déchoit. Par exemple, Mitterand disait, à propos de son poste de président : « Mon mandat est une noblesse et je veux en être digne de la manière que je déciderai ».

- « Progresivamente, en cada una de nuestras profesiones, se responsabiliza a los comerciales de la totalidad del acto de venta. El conocimiento íntimo de las necesidades de sus clientes les permite prescribir las soluciones más adaptadas poniendo en evidencia nuestra oferta de productos con valor añadido” (extrait du rapport annuel d’une grande entreprise) : le commercial va prescrire au client ce dont il a besoin, il n’est pas question que le client exige. Est-ce que le client français oserait exiger ?! Faire ce que veut le client serait s’abaisser. En revanche, l’écoute est le début de « je vous ai bien écouté, c’est donc cela dont vous avez besoin »... Ce qui étonne toujours les Anglais ou les Hollandais comme si les Français savaient toujours mieux que leur client.

Rivalidad de rango

- La noblesse est associée à une position, avec une rivalité de rangs : « Los jóvenes ingenieros, que son adjuntos, eh... esperen, mis dudas no son peyorativas (risas) tengo la impresión de que casi se sintieron decepcionados de verse obligados a pasar por años de escuela para hartarse con un montón de fórmulas y todo eso. Muchas veces los encontré desarmados frente a un problema bajamente material y bajamente simplón. » (Citation d’un contremaître – position entre ingénieur et ouvriers - qui a beaucoup de métier sans beaucoup d’études). En principe le contremaître est subordonné à de jeunes ingénieurs sortis de l’école. Il montre, dans son discours, que certes, l’ingénieur est hiérarchiquement plus élevé que lui mais, par ironie (non féroce), les ‘formules’ ne l’aident pas beaucoup dans son travail et il se sent désarmé face à des problèmes bassement simples. Le contremaître arrive ainsi à présenter des gens qui se croient hauts placés comme étant en fait très bas.

Exemple des grèves actuelles (liées de la réforme des régimes spéciaux) : le gouvernement dit « il faut aligner tout le monde ». Mais avoir un régime spécial (pour les fonctionnaires), c’est être différent ; être ainsi ramené à une situation ordinaire c’est être abaissé.

Autre surprise pour les étrangers : les intermittents du spectacle (artistes ou menuisiers ou électriciens), ont un régime tout à fait spécial, ce qui n’existe pas dans beaucoup de pays. Quelqu’un qui appartient à une activité comme le spectacle est beaucoup plus noble (presque d’un autre monde que le bourgeois qui s’occupe de choses banales). Le menuisier travaillant pour des artistes se considère bien au-dessus du menuisier banal.

Les Français ont tendance à intellectualiser. Ils commencent à faire une extraordinaire théorie d’une chose très pratique. Ils vont mettre en équation les choses les plus banales. A la fin du XIXème, c’était s’abaisser que d’avoir des activités industrielles (sauf la mine et la sidérurgie). Le Français transforme donc un problème pratique en beau problème pour y trouver une solution élégante. L’aspect terre à terre et matériel du problème, on pourra l’oublier et se concentrer sur l’élégance et l’intelligence de la solution. Ca permet aux gens qui ont fait de grandes études de se consacrer à des choses très terre à terre en ayant l’impression de faire de grandes choses.

Pourquoi les Français sont si attachés à un statut (les hors statuts sont presque des parias) ? C’est un opérateur magique qui va permettre de résoudre les contradictions françaises ! Une société à la fois très hiérarchique et très égalitaire. Si celui qui a un petit statut est aussi pleinement respecté dans les prérogatives associées à celui-ci que celui qui a un grand statut l’est de son côté, il est à certains égards son égal.

Voici par exemple une anecdote : un président d’une grande entreprise fait envoyer une directive à ses collaborateurs par sa secrétaire. Au bout d’un temps sans réponse, il s’inquiète et sa secrétaire lui signale qu’elle n’a pas envoyé la directive car elle pensait qu’il ne pouvait pas envoyer une chose pareille. Un américain aurait licencié la secrétaire. En France, elle considérait que c’était dans ses prérogatives de décider si certaines choses peuvent être faites par son patron ou non

Es deshonroso someterse por interés

Comment expliquer tout cela ? Quelle est la logique qui relie tout cela ? Pourquoi les Français se comportent différemment des autres ?

Quand on compare les sociétés, on trouve toujours un noyau de crainte : ce que serait une catastrophe à laquelle il faut absolument échapper. On a une bonne vision de ça , pour la France, dans le livre de Sieyès « qu’est-ce que le Tiers-Etat ? » : qu’est-ce qui paraissait insupportable dans l’Ancien Régime pour le tiers-état ? Citation : “Esta desgraciada parte de la Nación acabó formando una grande antecámara, siempre ocupada por lo que dicen o hacen los maestros, siempre dispuesta a sacrificarlo todo por los frutos de la felicidad de gustar que se promete”. Le tiers état est l’anti-chambre des maîtres, ce sont des valets. Un valet, pour obtenir quelque chose, est prêt à tout sacrifier, même sa dignité. Référence à la fable de la Fontaine, « le loup et le chien ». Le loup qui n’a que la peau sur les os mais qui est libre de faire tout ce qu’il veut, rencontre un chien beau et gras qui lui explique la marque sur son cou : « Le collier dont je suis attaché de ce que vous voyez est peut-être la cause ». Soit par peur, soit par intérêt, il a choisi de rentrer dans une position servile. C’est insupportable pour les Français.

Les grands personnages légendaires français ont résisté jusqu’au bout, n’ont pas plié devant la volonté d’un autre. Au contraire, les collaborateurs, pour satisfaire quelques intérêts, ont accepté de se mettre en rapport servile.

Par exemple, en 1995 pendant la grève dans les transports, Nicole Notat (CFDT) a coopéré avec le gouvernement, elle a été accusée d’être aux basques de celui-ci et d’avoir accepté une position servile.

La peur principale pour le Français est d’être considéré comme soumis. La peur secondaire est de ressembler à ceux qui se sont soumis : le laquais est réputé s’être soumis à son maître au profit de son intérêt. Toutes les manières de se situer par rapport à un patron ou un client, ou le refus d’exercer des métiers réputé serviles, permettent d’échapper à ces peurs.

Autre personnage : Cyrano de Bergerac. Finalement il perd, assassiné par ses ennemis, mais il n’a jamais plié devant personne et a donc conservé son honneur intact.

El honor español según Julián Pitt-Rivers: “En el pueblo reina un ideal de igualdad en materia de honor

Selon Julian Pitt-Rivers, l’honneur espagnol est substantiellement différent. Il étudie l’honneur andalou dans le pueblo, ce qui est sûrement très différent pour l’asturien ou le basque...!

L’honneur n’est pas une manière de se placer dans une société hiérarchisée. Chez Pitt Rivers, c’est beaucoup plus la réaction en cas d’affront entre égaux. J’ai par exemple étudié une entreprise française implantée à Valladolid dans le cadre de la mise en place d’une méthode japonaise d’auto-contrôle en atelier : pour l’Espagnol, écrire ce qu’il avait mal fait, c’était de l’ordre de l’affront.

En France, il y a eu une tradition de refus de l’affront, du duel, mais elle a fait la place à un duel de mots, on essaie de tourner en ridicule celui qui a fait l’affront ; il faut des cas exceptionnels pour rentrer dans des réactions plus graves. En Espagne, l’affront est beaucoup plus pris au sérieux.

En ce qui concerne la hiérarchie, ses ordres sont tout à fait acceptable parce qu’ils viennent d’en haut. Ce n’est pas le cas si l’ordre est émis d’un égal, ce serait alors humiliant. En France, toute forme de subordination est suspecte. En Espagne, on accepte une subordination qui est considérée comme naturelle.

Débat

La discipline, la loi…

Q/C[2]: Referencia a Jovellanos; una obra de teatro, porque se trato en la ley el que desafió y el que acepta el desafío. En virtud del honor aceptar el desafío no hay que ver con la ley…

Q/C : Les Français sont souvent indisciplinés. Ils aiment faire grève, souvent de manière démonstrative, en recherchant la perturbation maximale de la société. Comment cela est-il compatible avec l'honneur?

R[3]: en France aussi, un devoir doit être suivi surtout s’il n’est pas prescrit par la loi. A propos de discipline, le premier mot associé pour un Français est stupide (le modèle de l’Allemand qui marche au pas). Pour lui, l’idée est que les choses sont compliquées et que le seul qui peut dire ce qu’on doit faire dans une situation, c’est celui qui est dans la situation ; on peut l’aider, le conseiller mais on ne peut pas lui dire ce qu’il a à faire. On essaie alors de faire passer la pilule en parlant de discipline librement consentie. Il faut que celui qui l’a crée soit complètement légitime…

Q/R : les espagnols n’aiment pas du tout la discipline, on a la même idée de la discipline prussienne ! Pourquoi les français sont tant disciplinés ? Ils arrivent toujours à l’heure !

R : un même comportement peut être vu du côté positif ou négatif selon le point de vue. Si on est à l’heure parce qu’on est discipliné, c’est mal aussi pour le Français. En revanche, être à l’heure, pour les trains, c’est une question de fierté professionnelle. Ce n’est pas parce que le patron l’a dit. Ce peut être aussi une question de courtoisie : ne pas faire attendre quelqu’un est quelque chose d’honorable. Il y a toutefois des situations dans lesquelles ce n’est pas honorable : dans une réunion, si les premiers arrivés sont les subordonnées, et les grands chefs arrivent en dernier, alors les horaires dérivent car personne ne veut être le premier... Si au contraire ce sont les grands chefs qui arrivent en premier alors il est discourtois d’être en retard.

Qu’est-ce que la culture ?

J’aimerais aussi insister sur un point important : il y a souvent un grand malentendu autour du terme de culture. On croit qu’on évoque des sortes de comportements stéréotypés. Or dans une même culture, on va avoir des gens qui se comportent différemment, et les comportements changent selon les situations. Ce qui caractérise la culture est la manière dont on donne sens à une situation, comment on l’explique, ce qu’on se demande à son propos... Le fait de poser une question ne crée pas de réponse automatique.

Par exemple, la RATP a créé une nouvelle ligne de métro automatique. On y trouve une situation de coopération beaucoup plus forte que dans les autres lignes. Quand le personnel de cette ligne est venu sur les autres lignes, il a été rejeté sous prétexte qu’il était vendu aux patrons. C’était les mêmes personnes, la hiérarchie était vue différemment.

Honneur, honor, honra : des concepts obsolètes ?

Q/C : sobre el honor. La misma palabra con conceptos distintos. Es una palabra obsoleta. J’entends plutôt quelque chose qui a rapport à l’orgueil de classe.

R : les Français utilisent très peu le terme d’honneur. Le fait qu’un mot disparaisse du vocabulaire ne veut pas dire que la structure mentale associée au mot ait disparu. Les Français se considèrent comment des gens modernes alors que le mot honneur est associé à l’Ancien Régime... Sauf dans certaines circonstances comme le sport : « On a sauvé l’honneur » par exemple. Il reste qu’il y a des devoirs qui sont liés à une condition.

Q/C : la relation historique dans l’honneur espagnol selon Pitt Rivers entre la force de l’homme et la pureté de la femme me semble expliquer en partie la violence conjugale actuelle : la femme est de plus en plus autonome, elle peut faire respecter la loi. L’homme n’a plus une place si bien marquée dans la société…

Autre Q/C : cette idée de relation entre la honra et la violence conjugale est important : l’homme a perdu son rôle de gardien de la pureté... on parle de machisme... mais tiene mucho que ver con el honor…

20 novembre – Catedra Jovellanos

- Présentation de la conférence par Luis Valdés, director de la cátedra Jovellanos

- Présentation del IUTA, organisateur de la conférence avec l’Alliance, par Elena Marañon, directora del IUTA

- Présentation de l’Alliance Française de Gijón et de Philippe d’Iribarne par Béatrice, bénévole à l’AFG

Philippe d’Iribarne : « Quien manda a qui ? »

On a longtemps cru que la mondialisation permettait, en appliquant les méthodes de management américaines, que la planète s’unifie. On s’est rendu compte que des questions telles que prendre des décisions, fixer des objectifs, se comporter avec les clients, soulevaient de grandes incompréhensions. On a pensé que c’étaient des problèmes d’organisation et de communication. Mais il faut aller au-delà. Pour comprendre les difficultés du management interculturel il faut faire des allers et retours entre des questions très pratiques (décider de tel ou tel problème quotidien – commercial, production, etc.) et des questions d’ordre a priori philosophiques (la dignité de l’homme, la liberté, etc.).

Je vais donner quelques exemples et parler en particulier des méthodes américaines, largement enseignées de par le monde, qui ne sont pas le fruit d’une rationalité universelle mais sont ancrées dans une histoire particulière. Nous irons également en Chine et un peu en Espagne.

Français et Américains ; les rapports hiérarchiques

1- “Creo que si los resultados [the bottom line numbers] están ahí, la manera en que se obtuvieron está OK en estas condiciones. La mayoría de la gente piensa que debe ser un poco amo de su propio destino, determinar cómo cumplir el trabajo un poco solo. Mientras sus objetivos se alcancen, los superiores deben estar satisfechos”. On a là un propos américain typique, chacun décide comment s’y prendre pour satisfaire en quelque sorte la commande que son chef lui a passé.

Cette manière de voir ne se retrouve pas chez les Français. On le voit quand un subordonné américain est évalué par un supérieur français. Le premier a des réactions telles que : « On m’a fixé des objectifs et je les ai respectés, vous me critiquez sur autre chose ». Le français rétorque : « Au-delà des objectifs, vous devez penser à autre chose ».

2 - “He saw the potential for abuse in a management system that took all the work rules that protected workers and replaced them with vague understandings that gave unchecked discretionary power to supervisors. Workers at Flat Rock would, he knew, be at the mercy of management unless their union was aggressive in protecting their rights”, point de vue d’un subordonné américain dans une entreprise japonaise. On voit l’opposition entre ce qui est considéré comme bien et comme mal. Pour l’Américain : ce qui est mal est le pouvoir mal contrôlé, le fait d’être à la merci du management. Du côté du bien, il y a les règles et le droit.

3- « Un homme libre se rend serviteur et valet d'un autre, en lui vendant, pour un certain temps, son service, moyennant un certain salaire. Or, quoique cela le mette communément dans la famille de son maître, et l'oblige à se soumettre à sa discipline et aux occupations de sa maison, il ne donne pourtant de pouvoir au maître sur son serviteur ou son valet, que pendant quelque temps, que pendant le temps qui est contenu et marqué dans le contrat ou le traité fait entre eux. Mais il y a une autre sorte de serviteurs, que nous appelons, d'un nom particulier, esclaves, et qui [...] sont [...] sujets à la domination absolue et au pouvoir arbitraire de leurs maîtres » (Citation de Locke, Traité du Gouvernement civil). On voit bien cet aspect politique de l’attachement au contrat.

Aux Etats-Unis, la bonne manière de travailler ensemble est : on a des résultats à obtenir et la liberté, l’autonomie que l’on revendique consiste à laisser chacun se débrouiller pour atteindre les résultats attendus de lui. Le chef n’a pas à se mêler de ces moyens. Le mode normal de relation hiérarchique est que le chef fixe des objectifs et que les décisions qui affectent le personnel sont encadrées par un certain nombre de règles (ex : le droit de choisir un poste en premier dépend de l’ancienneté, comme le choix de celui à qui sont proposées les heures supplémentaires etc.). C’est un pays de règles et d’avocats : on passe des contrats et l’avocat permet de voir si ces contrats sont conformes aux règles. Cette vision est naturelle pour les Américains. Ils sont rapidement choqués lorsqu’ils sont confrontés à une autre manière de faire (et de penser).

4 - En demandant d’un côté au président japonais et de l’autre côté aux vice-présidents américains d’une filiale américaine d’une entreprise japonaise ce qu’il changerait dans l’autre partie si il pouvait, chacun répond : ces Américains – ces Japonais – ne comprennent pas ce qu’est un objectif. Derrière ce mot objectif, il y a donc une multitude de conceptions.

“Reinterrogué primero a los vicepresidentes estadounidenses: ‘tuvimos una batalla incesante con el presidente [Japones]. Simplemente no podemos obtener que nos especifique un nivel de desempeño [a performance target] a alcanzar. Tenemos todos los informes y las cifras necesarios, pero no podemos obtener objetivos específicos. No quiere indicarnos qué aumento del monto en dólares del volumen de préstamos o qué porcentaje de reducción de los costos de funcionamiento espera de nosotros para el mes, el trimestre o siquiera el año que viene. ¿Cómo podemos saber si desempeñamos bien nuestro papel [performing well] sin metas específicas a alcanzar [specific targets to shoot for]”. (Extrait du livre de William Ouchi, theory Z).

5- “Interrogado nuevamente, el presidente japonés me explicó: ‘si sólo pudiera obtener de estos estadounidenses que comprendan nuestra filosofía de banco. Que comprendan lo que esta actividad significa para nosotros. Cómo sentimos que debemos actuar con nuestros clientes y nuestro personal. Cuáles deberían ser nuestras relaciones con las comunidades locales que servimos. Cómo debemos tratar a nuestros competidores, y cuál debe ser nuestro papel en el mundo en sentido amplio. Si pudieran ponerse eso en la piel, entonces podrían concebir por ellos mismos cuál sería el objetivo apropiado en cualquier situación, habitual o nueva, y no tendría nunca que definirles, nunca tendría que darles una meta.”

Pour l’Américain, si on n’a pas affaire un objectif précis, une définition très précise de ce qu’on attend de vous, on est déstabilisé, on sent qu’on est soumis à un arbitraire. Il faut que ce soit quelqu’un d’autre, le supérieur, qui fixe les objectifs. Mais on sera parfaitement à l’aise pour les atteindre comme on l’entend. Certains pourraient penser que c’est une version universelle de la gestion. Les Japonais vont eux défendre que les objectifs ne sont pas des chiffres mais une philosophie, quelque chose que l’on a sous la peau, que l’on sent. Les cibles, c’est à chacun de se les fixer. Ce que veut le supérieur c’est que la philosophie soit comprise. Cette philosophie est considérée par les américains comme une chose vague, c’est un regard négatif.

La France : autodéfinition des responsabilités

6 - “Yo partí del principio, y es lo que trato de hacer respetar… Tenemos la decisión y la responsabilidad plena y entera en cuanto se trata de personas. […] No dudaría instantáneamente en apagar la fábrica si estimo que… que eso forma parte de mis funciones en tanto técnico, si considero que hay peligro y que no se tiene el derecho de hacerle correr riesgos a quienquiera que sea”.

Un contremaître pense qu’il a une responsabilité et il essaie de la faire respecter par ses chefs : il dit « j’estime, je considère », sa référence est que ça fait partie de ses fonctions en tant que contremaître. Ses références ne sont plus les objectifs précis fixés par un supérieur mais la tradition du métier qui définit ce que vous devez faire.

7 - “Nos vemos todas las mañanas, tenemos una reunión en principio a las nueve, el jefe de servicio, el adjunto, el capataz y su adjunto. A veces no voy. Si tengo un problema que, en mi opinión, es más importante que la producción, o lo llamo o no me ve llegar; sabe muy bien: 'bueno… Y [el que habla] está atrapado en alguna parte, lo veré más tarde”

Dans cette autre citation à propos des réunions, le Français dit qu’il n’y va pas toujours car si un problème plus important a lieu, son chef sait que « si je ne suis pas venu, c’est que j’avais des choses importantes à faire ».

Une apparence de contradiction apparaît : les Français auraient à la fois besoin de leur chef et d’une grande liberté vis-à-vis de la hiérarchie. Par exemple, pendant les négociations pour la fusion Renault – Volvo, du coté suédois, on pouvait décider sans le chef et du côté français il fallait toujours demander au chef.

On peut comprendre comment ces deux aspects se concilient en prenant un cas concernant la conception de produits entre Français et Américains qui doivent se mettre d’accord : « Il y a des différences d’opinion extrêmement fortes sur des critères subjectifs, donc difficiles à discuter. On a tendance à ériger son avis comme étant la règle. On fait un compromis qu’on appelle mou. Ça pourrait être résolu si il y avait une entité supérieure qui dise ‘les critères de qualité pour développer ce produit sont les suivants : […]’. Comme ça, ça ne se discute plus. Je pense que c’est la seule manière de nous mettre d’accord. On prend des gens qui chapeautent tout le monde. C’est à eux de dire ‘ce n’est pas discutable, c’est comme ça ».

La compétence du Français lui permet de dire ce qu’il faut faire. Il hait le compromis mou. En Europe du nord, au contraire, la bonne manière de décider est de se mettre autour de la table pour atteindre un compromis qui tient compte du point de vue de chacun. Le compromis mou pour le Français c’est, au lieu de défendre son métier, céder pour faire plaisir aux autres. Les Français préfèrent alors, au lieu de céder, que ce soit un chef qui prenne la décision. S’il considère que le chef est incompétent, ce qui arrive souvent, l’erreur est due au chef, « moi je n’y suis pour rien » ; si on considère que le chef a une vision holiste, comme il voit de très haut, alors on acceptera sa décision.

8 - « On aurait donc bien tort de croire que l’ancien régime fût un temps de servilité et de dépendance. Il y régnait beaucoup plus de liberté que de nos jours ; mais c’était une espèce de liberté irrégulière et intermittente [...], toujours liée à l’idée d’exception et de privilège, qui permettait presque autant de braver la loi que l’arbitraire. » (Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution).

Dans cette citation de Tocqueville, la liberté est liée à des privilèges ; aujourd’hui, le fait que chacun dise agir en fonction de son métier est un héritage de l’Ancien Régime où chacun agissait en fonction de ses privilèges.

La tradition au secours du management

Ce parcours historique nous permet de revenir sur la controverse initiale entre Français et Américains : « ce n’est pas correct de me changer mes objectifs, dit l’Américain ». On est pour lui dans un rapport où le supérieur a le droit de fixer les objectifs mais il est ensuite lié par ces objectifs. Le chef est considéré comme un client qui ne peut pas changer d’avis pour ce qu’il souhaite. Mais le Français est dans une autre perspective : « Cet ingénieur n’est pas un débutant, il doit savoir ce qu’il doit faire pour s’occuper de ses fonctions sans que j’ai besoin de le lui dire ». Les choses fondamentales sont de bien faire son travail. Le Français aurait accepté de rentrer dans une discussion technique qui donne telle ou telle raison pour telle ou telle décision mais pour lui, quelqu’un qui dit je n’ai pas fait parce qu’on ne m’a pas dit de le faire est considéré comme incompétent.

L’Américain se place sur le terrain du droit et le Français se place sur le terrain de la compétence

Quant aux Japonais, la capacité de sentir les subtilités des relations entre les membres relève aussi du terrain de la compétence même si c’est d’une autre manière que pour les Français.

A propos de la Chine

9 - “In the Chinese culture, subordinates fully obey orders; at times there is no need even to give precise orders. One mentions a few words and the subordinates understand” (manager, HR)

Le management français était assez bien perçu par les chinois mais pas sur les mêmes critères que les Français.

En Chine, la société est à la fois très désordonnée et dirigée par un pouvoir fort. D’une part, les choses se passent à l’intérieur de réseaux, de copinages, de la famille, il y a des dettes morales les uns vis-à-vis des autres, des devoirs considérables dans le réseau mais pas en dehors. D’autre part, il y a la bureaucratie céleste représentée par le Fils du ciel (l’empereur ou le dirigeant du parti) dont on attend qu’elle soit juste, nourricière et ferme. La bureaucratie céleste doit être rigoureuse et traiter chacun selon ses mérites, l’aider et également rester ferme (il n’est pas question de discuter le pouvoir).

J’étais en Chine avec un interprète chinois qui vit en France depuis longtemps. Je lui disais que chez saint Thomas, si votre conscience vous disait une chose et le pape le contraire, il fallait obéir à sa conscience. Pour un chinois, c’est inconcevable, c’est inacceptable, c’est la porte ouverte à l’écroulement de la société. La vision de l’autorité est entière, on ne la discute pas. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’a pas de grandes attentes à son égard : on ne va pas contester l’autorité mais on va lui donner des signes de ce que l’on souhaite : “If one makes very few mistakes, my hierarchy can think that I can do better than that. I let my superior understand that I am ready to shoulder more responsibilities, to do more difficult tasks; my previous manager knew it, my new manager came to consult me. It is aggressive to say straightforward that I want such and such a post; it is aggressive. I am young, I would like to work more; my hierarchy understands that I want to do more” (supervisor).

C’est agressif de dire directement ce que l’on veut mais on peut dire « je souhaite travailler » et la hiérarchie va comprendre. La régulation se fait : les Chinois réagissent avec leurs pieds : si la hiérarchie ne les traite pas comme ils veulent, ils s’en vont. Il y a en effet, un turn over très important dans les entreprises chinoises.

10- “The person in charge has taken part in a very dirty task, he does tasks that are even painful for the workers; that shows the principle ‘leading by example’ is respected; earlier, the managers only gave orders” (operator). Autre attente vis-à-vis des chefs en Chine : le management par l’exemple. Un chef avait montré sa tenue, qui était toute sale et c’était ça l’exemple. Pour l’ouvrier interrogé le chef qui participe aux choses difficiles et salissantes s’oppose à celui qui se contente de donner des ordres. Le chef a un rôle d’éducateur, sur le terrain pratique ; c’est en accompagnant les gens qu’on leur apprend les choses.

Deux mots de l’Espagne

11- « Si on ne les traite pas également, les gens sont facilement démotivés. Il y a un problème si les directeurs marquent une hiérarchie entre les départements. Le marketing est au dessus, la formation en bas. Il faudrait montrer que tous sont également importants ». (Entretien d’une responsable de Chanel à Madrid).

On attend de la hiérarchie qu’elle traite les subordonnés de la même façon. En France, les départements sont extrêmement hiérarchisés, chez Chanel, il y a d’abord le marketing, la production est loin derrière. J’avais rapproché ça de l’honneur espagnol de Julian Pitt-Rivers : dans le pueblo, il y a un idéal d’égalité en matière d’honneur.

En s’interrogeant sur les peurs qui jouent un rôle central dans la vie sociale, on voit qu’elles diffèrent selon les sociétés ; aux Etats-Unis c’est de voir son destin commandé par quelqu’un d’autre, en France c’est être en position servile. Il semble qu’en Espagne se soit être traité comme n’appartenant pas à un groupe de personnes également honorables, d’où la crainte de se trouver « en dessous » et le risque de démobilisation qui y est lié. Le rôle du chef est de recréer le groupe de pair mis à l’épreuve par le marché.

Valeurs universelles et pratiques culturelles

Dans mon équipe nous travaillons sur différentes cultures et la façon dont elles interviennentt dans le management : Il y a d’un côté les valeurs universelles et de l’autre la façon dont chacun se les approprie.

Siempre que se utilice un vocabulario abstracto, se pueden expresar palabras de validez universal. Como las teorías de la administración se sitúan en lo esencial a tal nivel, asumen efectivamente esa característica universal.

Au niveau universel, on trouve les concepts de justice, liberté, reconnaissance, etc. Le management est donc universel à bien des &² égards.

Mais dès qu’on passe du niveau abstrait à la réalité des pratiques où les valeurs abstraites s’incarnent (qu’est-ce que ça veut dire de respecter les gens, qu’est-ce que ça veut dire ici et maintenant la justice), c’est différent : « Cuando se incursiona en lo concreto, aparece la influencia de las culturas. No es solamente que subsistirían las prácticas “arcaicas” y resistencias culturales frente al establecimiento de prácticas modernas y eficaces. Estas prácticas modernas requieren implantadas de una manera adaptada al contexto cultural. Se torna esencial interesarse por el sentido que los procedimientos utilizados van a tomar en el universo mental de aquellos que tiene que ponerlos en marcha, y este sentido puede variar de manera considerable de una cultura a otra”.

Ce que signifie être bien considéré, constituer une société, etc. va être différent. Les actions prendront forme (les méthodes s’incarneront) selon le contexte culturel : d’autres repères, d’autres conception de ce qui juste…

Débat :

Q/C : Vous avez surtout présenté des contradictions à propos des différences culturelles. Pouvez-vous donner des exemples de compromis favorables entre cultures différentes ?

R : Prenons l’exemple du management de Lafarge en Chine. Lafarge a racheté des sociétés chinoises au sein desquelles les Chinois avaient l’impression d’être traités en fonction des liens entretenus avec les responsables plus qu’en fonction de la qualité de leur travail. Avec Lafarge, ils ont trouvé quelque chose d’équivalent de l’image idéale de la bureaucratie céleste : juste (le management avait établi un certain nombre de règles très précises, les gens étaient jugés en fonction des succès réels et non en fonction du copinage) et nourricier (des aides, de la formation). Le troisième aspect de la bureaucratie céleste (fermeté) en revanche ne se retrouvait pas dans le management de Lafarge, qui cherchait à mettre en place un système de concertation, de critique. Les Chinois s’y mettaient difficilement.

Autre exemple en Afrique : un expatrié est souvent chargé du recrutement car les Africains ont du mal à s’abstraire du fait que untel est recommandé par le ministre ou telle famille… Un expatrié est réputé en dehors de ces relations, il peut opérer un recrutement sur des critères correspondant à l’efficacité de l’entreprise. Au Gabon par exemple, où la sorcellerie est active, l’expatrié est réputé insensible à la sorcellerie.

Q/C : comment se fait-il que les méthodes américaines et japonaises aient pris le dessus au niveau mondial. Par exemple en Europe, il y a surtout des petites entreprises et ce type de management n’est pas très adapté.

R : dans les vieux pays industriels, les techniques de management sont très différentes des américaines même si ces méthodes sont apprises dans les business schools. Ce qui est dangereux c’est quand l’entreprise s’internationalise et dit qu’elle fait du management américain alors qu’elle fait du management français par exemple. Les étrangers ne comprennent pas. On ferait mieux d’officialiser l’existence d’un management local. Dans les pays qui n’ont pas de tradition de management local, on tente de plaquer le modèle américain et c’est catastrophique.

Biographie

Philippe d’Iribarne est né en 1937. Polytechnicien et Ingénieur des Mines, il dirige Gestion et Société, au sein du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) où il est Directeur de recherche. Gestion et Société se consacre à la recherche, à l’enseignement et au conseil en matière d’adaptation du management à la diversité des contextes nationaux et a travaillé en coopération avec des entreprises telles que Total, Saint-Gobain, Lafarge, Danone, Renault, Peugeot, EdF, Areva, France Télécom, STMicroelectronics, Hewlet-Packard. Il est l’auteur de neuf ouvrages dont La Logique de l’Honneur, 1989 (traduit en Allemand, en Chinois et en Néerlandais; en cours de traduction en Anglais et en Espagnol), Cultures et Mondialisation, 1998, Le Tiers-monde qui réussit, 2003 (traduit en Anglais), L’étrangeté française (2006). Ses publications comportent en outre plus d’une centaine d’articles et de chapitres de livres collectifs en Français, Anglais, Allemand, Chinois, Espagnol, Suédois, Portugais, Japonais, etc. Il fait partie du conseil scientifique de l’Agence française de Développement et du Comité éditorial international du International Journal of Cross Cultural Management. Il a occupé diverses fonctions au service de l’Etat, notamment au Secrétariat général de la Présidence de la République. Il est Docteur honoris causa de l’Université de Mons et Chevalier de la Légion d’Honneur.

Bibliographie :

1970 /La science et le prince/, Denoël
1973 /La politique du bonheur/, Seuil
1975 /Le gaspillage et le désir/, Fayard
1989 /La logique de l’honneur/, Seuil

1990 /Le chômage paradoxal/, PUF

1996 /Vous serez tous des maîtres – la grande illusion des temps modernes/ Seuil

1998 /Cultures et mondialisation/ (avec Alain Henry, Jean-Pierre Segal, Sylvie Chevrier, Tatjana Globokar)/ Seuil
2003 /Le Tiers-monde qui réussit : Nouveaux modèles/ Odile Jacob

2006 /L'étrangeté française/, Seuil

Traduction de « la logique de l’honneur » en espagnol – possibilité de lire l’ouvrage en avant-première (beatricevacher@telefonica.net)-



[1] 1989

[2] Q/C = Question/Commentaire

[3] R = Réponse

L'article del Comercio pour Florence



Présentation du livre de Florence Camus le 29 novembre 2007


Florence Camus nous présente un très beau roman sentimental, "Vague à l'âme". Ecrit en français, l'action se situe entre Gijón et Le Havre : Antoine et Anna sont faits pour se retrouver mais de nombreuses aventures les séparent un temps...

Bonne lecture !

jeudi 6 décembre 2007

Nueva España du 21/11/2007 sur Philippe D'Iribarne


Affiche de présentation de la conférence du 19 novembre avec Philippe d'Iribarne

Séances 19, 20...

En septembre, nous parlions de notre voyage en charentes... Voir les photos, en attendant plus d'anecdotes...
http://picasaweb.google.com/Portal.Beatrice/VoyageEnCharentes2007

En octobre, nous préparions la venue de Philippe d'Iribarne qui a donné deux conférences à Gijón en novembre, le 19 et le 20 : passionnant, un succès !

En attendant les corrections du compte rendu, voir les messages avec l'affiche et l'article...