dimanche 19 octobre 2008

Séance 27-mai 2008 : Michel del Castillo, Le sortilège espagnol

Présentation par Béatrice
J’aimerais aborder trois points qui m’ont frappé à la lecture de ce livre et qui me renvoie à mon quotidien de vie en Espagne (du moins en Asturies) : la question du débat, celle de la religion catholique et celle de la place respective des hommes et des femmes…

[J'ai distribué les notes ci-dessous]

Débat ?
- Michel del Castillo exagère en disant qu’à Salamanque les femmes regardaient les mise à mort derrière leurs mantilles. C’est faux !
- Il y a un décalage entre ce qu’il est et où il a vécu, ce qui fait sa force littéraire
- ces remarques illustrent le propos que je n’ai pas encore réussi à exposer… Michel del Castillo dit que pour l’espagnol, la communication n’existe pas, il ignore le dialogue. Il écoute car il est poli mais il parle pour imposer son point de vue. C’est en effet l’expérience que je fais depuis deux ans et à laquelle je m’habitue. Chacun parle vite, coupe la parole et ne suit pas un fil. On dit ce qu’on pense sans argumenter et tenir compte de ce que vient de dire l’autre. En revanche, on respecte l’idée de l’autre en ne cherchant pas à la changer, ce qui est très différent de la France. En France, on peut débattre des heures (mot proche de « battre »…), s’engueuler, convaincre, se laisser convaincre. Telle avait été mon éducation, chamboulée ici.
[Pourrait-on dire qu’en Espagne, on écoute les gens plutôt que les propos que tiennent les gens contrairement à la France où on écoute les propos et pas les gens qui les tiennent…?]
- on a 30000 mots de plus que les français. Parce qu’on parlait en abstrait. L’espagnol veut toujours dissimuler les situations …
- il y a toujours cette idée de l’homme, mais pas de la femme, d’imposer son discours ; facilité par l’église. L’église n’a pas eu à composer, c’est imposé car il fallait conquérir un pays, il fallait combattre les arabes, elle commande, elle impose. Ça a duré énormément… Il y avait avant un dialogue juif, arabe, catholique… Mais depuis l’épée de la chrétienté et les rois catholiques, le dialogue est terminé. Ça prend le nom de nationale catholicisme. Voir le thème du PP aujourd’hui qui reprend celui des années 40. Ce qui a donné de l’importance à l’homme qui n’était pas croyant en fait : se sert de l’autorité religieuse pour commander sur la femme mais lui ne croyait pas… lire « Nada menos que todo un hombre », de Unamuno. Un homme n’aime pas une femme mais il s’impose.
- ce qui rejoint le second point que je voulais aborder, celui de la religion comme industrie castillane. Les hidalgos vivaient en grande partie de la guerre et la chasse aux arabes était une guerre rémunératrice sous les rois catholiques.
- pourquoi nous sommes toujours considérés comme les sauvages qui avons rejeté les arabes ?
- l’espagnol ne s’est jamais senti sauvage parce qu’il a chassé les arabes, il est juif et arabe aussi…
- pourquoi nous devons nous sentir coupable… A Venise il reste des choses Turcs, il reste des musulmans,… L’unité de l’Espagne a été faite parce qu’on a jeté dehors tous (même les allemands) parce que l’église catholique s’est identifié au pape ; on n’a pas à culpabiliser mais cela a empêché l’évolution plurielle de l’Espagne…
- en effet, l’Espagne a toujours été multiple… Seul moment d’unité a été sous Franco
- la première république…
- la deuxième république… En 710, c’était les wisigoths : on ne peut pas juger l’histoire de notre point de vue. En Espagne on vivait très mal avec les wisigoths, les arabes ont amené une culture, une liberté (l’invasion a duré 20 ans, ce qui est très peu pour une conquête)… Je le vois du point de vue de ces gens qui vivaient très mal, les gens n’avaient aucun droit ni à manger. Avec les musulmans, les chrétiens et les juifs ont pu vivre…
- le moment de l’invasion arabe était bien choisi : la fin de l’empire romain, il y avait d’autres invasions…
- l’Espagne était un mélange… Il y avait une unité très faible avec les rois wisigoths, les arabes ont donné une unité. A la fin, les Tahifas, l’unité était perdue (le film)…
- On en revient à l’unité de l’Espagne par la castille, ce qui me permet de comprendre les difficultés actuelles de la catalogne, du pays basque…
- Les rois catholiques, c’est le modèle de Machiavel, c’est Ferdinand el septimo. Il n’était pas castillan mais aragonais, il a nommé les nobles basques, catalans, de valence, aragonais en leur disant : « Vous allez avancer la conquête d’Amérique ». Les aragonais ont été très complices des catalans dans la conquête de l’Amérique. Parce qu’ils avaient besoin d’aider la Castille pour contrer le royaume de Leon… les catalans ont toujours été méditerranéen (sicile, la corse), ils n’avaient pas besoin d’aller en Amérique.
- aujourd’hui seuls 18% des espagnols vont à la messe… L’état est aconfessionel (et non pas laïque)
- dernier point que j’aimerais aborder : la femme… Pour une autre fois !
[Gloups, quel débat... !?]

notes sur le livre
« Le sortilège espagnol », 1977
Partie 1 : le mal d’Espagne
Cette partie insiste sur le mythe d’une Espagne unifiée :
« Il n’est d’unité pour l’Espagne, qu’imposée » (36) ; « A la veille de la guerre civile, le cardinal primat d’Espagne déclarait […] : ‘’En Espagne, on est catholique ou rien du tout’’ […] peut-on mieux exprimer cette volonté de nier l’autre, de le détruire au besoin ? L’Espagne n’a pas pu se faire parce que face au mythe catholique… il n’y avait rien. Aussi des Espagnes se sont-elles constituées, hors de portée du regard de l’Inquisiteur » (35-37). L’histoire d’Espagne est multiple, faite de ruptures sur lesquelles les espagnoles ne s’accordent pas : « C’est pourquoi Ortega y Gasset a pu dire qu’ils en étaient malades […] Leur histoire n’est qu’une légende univoque » (38).
Michel del Castillo explique ainsi l’Espagne multiple dont il distingue au moins quatre « mondes » : « Au nord […] domine la minifundia. La petitesse des exploitations condamne les habitants à l’émigration. Au sud, au contraire, on trouve des propriétés de vingt, de trente mille hectares et les hommes continuent de se louer à la journée, de sol a sol… » (40). On parle quatre langues, le catalan, le castillan, le basque et le galicien. Parler catalan par exemple « c’est manifester collectivement contre la suprématie de la Castille » (40).
« Pueblo signifie à la fois peuple et village. La patrie pour un Espagnol, c’est la patria chica : son village, sa famille, ses amis. […] S’il s’explique par l’Histoire, cet esprit cantonaliste s’enracine aussi dans la géographie. Chaque région vit séparée des autres par de hautes chaînes de montagnes » (41). Pourtant ces régions jalouses de leur autonomie sont capables de s’unir « pour des projets impérialistes [les Amériques] » (43). Pourtant, la misère accompagne aussi le voyageur. L’espagnol vit une tension terrible, entre son désir de grandeur et son quotidien misérable. Mais cette tension « se traduit rarement par des actes, moins encore par des paroles. Les Espagnols la contiennent, la dominent : el temple » (44) ; « On peut tout dire de l’Espagne, hormis qu’elle aime la mesure. Elle la hait, au contraire, tout comme elle vomit la tiédeur […] l’univers mental de l’homme espagnol est fait d’affects qui se succèdent à une vitesse extraordinaire » (45) ; « Un Espagnol ne méprise rien tant que la compromission, la combinazione. Il est, d’entre les peuples, le moins subtil, le moins rompu aux nuances […] Il suffit à son repos de se sentir fidèle à sa vérité, c’est-à-dire à son honneur » (46) ; « S’il n’y a, pour un Français ou pour un Italien, rien de déshonorant à changer d’opinion, l’Espagnol, lui, y voit un signe de veulerie, de relâchement moral. Ce qui s’appelle évoluer en France se traduit pas se renier en Espagne […] les Espagnols comprennent par contre le fanatique qui met la terre à feu et à sang pour faire triompher son opinion » (47). Pour un Espagnol, « ce monde est un théâtre et la vie de chaque homme une action dramatique. Papel : papier et rôle » (48) ; « On s’entretue avec insouciance parce qu’on n’imagine pas que l’ennemi puisse ‘’vouloir’’ traiter, c’est-à-dire se renier » (50) ; « Les idées ne divisent pas, elles ne partagent pas : elles excluent. Car il ne saurait y avoir deux vérités. Dès lors qu’on possède ‘’la’’ vérité, le reste n’est que folie, aberration, perversion intrinsèque […) Cette incapacité de l’Espagnol à examiner le point de vue de l’adversaire, à prendre ses arguments en considération dérive, on le devine, de la tension psychologique à laquelle il est soumis. Rigide il se fait et se veut pour ne pas s’effondrer » (51).
Michel del Castillo continue à fouiller dans l’histoire de l’Espagne pour comprendre cette tension. Il constate par exemple, « le peu de résistance que les autochtones opposent aux musulmans […] vingt ans à peine après l’arrivée de cette première vague de Berbères venus du Maroc, une vie intense, active, a jailli dans les régions occupées ; une symbiose s’opère ; les guerriers s’installent, ils épousent des femmes indigènes, on ouvre les écoles, on bâtit des mosquées, des palais : une civilisation est en marche » (56-57). Les seules résistances viennent des régions du Nord, coupées du reste de l’Espagne par la montagne : c’est dans « ces régions écartées, inhospitalières, coupées du reste du pays, que se rassemblent les chrétiens » (58). Entre le Nord et le Sud, « l’enjeu, la terra dolorosa, l’immensité des plateaux – entre six cents et neuf cents mètres d’altitude – où s’affrontent les deux Espagnes. Là se joue, déjà, le destin du pays » (60). Au départ, les gens du Nord ne cherchent pas à chasser les mores, ils font venir des artistes et s’imprègnent de leur langue (la jota) et de leur littérature (avec le duende, les djinns). « Les rois du Leon se mettent à l’école de l’Islam : ils s’entourent d’érudits et de savants juifs. Leurs nuits se passent en interminables discussions théologiques et philosophiques » (61). Mais la guerre pour l’Espagnol chrétien est une industrie et « Le renforcement du dogme [chrétien] a suivi, pas à pas, l’enrichissement de la noblesse et de l’Eglise […] Insensiblement, on voit naître une mystique guerrière » (63-64) ; « Il n’y a pas deux Espagnes, l’une musulmanes et l’autre chrétienne, mais un seul pays déchiré. En chaque combattant chrétien sommeille un potentat more, voluptueux et raffiné, subtil et sceptique. Lui céder pourtant, c’est abdiquer. La guerre passe ainsi dans les individus, les traverse, les déchire […] Alors, les hommes se raidissent, ils disent non à la tentation […] Ils se font une armature d’intransigeance qu’ils baptisent honra » (64). Ce long épisode marque l’Espagne pour toujours : les influences passées (grecques, romaines, phéniciennes) disparaissent au profit de la « répétition mécanique du même conflit » entre les pauvres et les privilégiés conduits par une Eglise richissime, les deux tenus par le mythe de l’Espagne Catholique : « Ceux qui n’acceptent pas le mythe ne sont pas même des adversaires, ils sont ‘’rien’’ » (65).
Pour arriver à ses fins, l’Eglise doit convaincre la monarchie à changer sa politique envers les Moresques et les juifs. Sous prétexte que les missionnaires se font rouer de coups dans les ruelles des quartiers moresques, on les fait accompagner par des soldats en armes. Les missionnaires ne s’encombrent alors plus de manières pour conquérir les âmes : tueries, bûchers. Face aux émeutes qui éclatent pour injustice, la répression est atroce : famille détruite, dispersée, massacrée. La conversion au « vrai Dieu » se fait alors par milliers et livre les convertis « pieds et poings liés, à l’Inquisition dont la juridiction s’étendait aux seuls chrétiens » (74). Les premiers attaqués furent les plus riches car les biens restaient la propriété de l’Inquisition. Le travail étant considéré comme vil pour l’aristocrate espagnol, les plus riches étaient les juifs. Se développe alors de plus en plus l’attitude aristocratique : « Mépris du travail manuel, culte de la guerre considérée comme une industrie, orgueil de caste lié à l’ancienneté du nom. Les plus pauvres se noyèrent dans le mythe. N’eussent-ils rien à manger, il leur restait la fierté de se dire Vieux-Chrétiens […] Quiconque aspirait à une charge officielle […] devait produire les preuves de limpieza de sangre
[1] » (75) ; « Le destin semble s’acharner sur l’Espagne. Le pays le moins profondément chrétien, le plus incertain de sa foi, allait devoir défendre aux quatre coins du monde l’orthodoxie catholique » (76) ; « Les lois raciales, la tyrannie de l’Inquisition, le doute permanent dans lequel [l’homme espagnol] vivait et le sentiment de crainte qu’il en concevait l’enfermait dans une attitude de refus. Cet homme frustré de tout érigeait la négation en principe éthique. Il disait non à ses instincts et à son être même. La compensation, il la trouvait dans l’orgueil qu’il tirait de se faire violence […] Son intransigeance et son fanatisme étaient ceux de ses ancêtres musulmans ; arabe sa sensibilité à fleur de peau […] ; juif, son sens de la douleur […] Juive encore, son ironie corrosive » (77-78) ; « Ce que les Espagnols fuient dans le nada, c’est la frustration. Leur attitude se traduisait grossièrement ainsi : ‘’Puisque je ne puis ni assouvir mes instincts ni être vraiment ce que je suis, je ne désire rien, je ne suis rien. Tout finit dans la mort. Il est donc vain d’agir et de s’agiter’’ » (80).
Mais s’arrêter au nada, c’est laisser croire que « l’Espagnol pratiquerait le renoncement comme le Français sacrifie à la gourmandise […] Il y a des siècles que les pauvres supportent leur malheur. Ils s’accrochent à leur honneur pour ne pas désespérer d’eux-mêmes […] Mais ils préféreraient avoir l’honneur ‘’et’’ le bonheur. Il suffit de regarder autour de soi : ce qui étonne, ce n’est pas la gravité de la foule mais sa gaieté. Les Espagnols parlent haut et fort […] Observer les Espagnols au café, au théâtre, dans la rue : ils sont toujours en représentation […] Il a les mêmes désirs que les autres hommes mais il y répond différemment. La principale manière qu’il a de réagir devant ses désirs est… de ne pas réagir. Il les ignore, il les méprise » (85-87) ; « La blessure infligée aux Espagnols suinte encore : pour avoir le droit de vivre sur leurs terres, les habitants de ce pays durent renier leurs origines » (88).

Partie 2 : honneur et fierté
Part de la dureté de la Castille et de l’analyse que fait Unamuno du mot castizo : « Un mot castizo est un mot pur, parfaitement castillan […] Castizo tire son origine de casta. Il signifie par conséquent ‘’qui est de caste, de pure race’’ » (95) ; « [La Castille] a bien réussi à imposer son joug aux autres provinces, à les dominer, mais non à les intégrer. L’unité de l’Espagne demeure un idéal » (98) ; « Tout le XIXè siècle et la première moitié du nôtre [écrit en 1977] se résument en un combat, tantôt ouvert, tantôt souterrain, des régions contre le pouvoir central » (99) ; « le fédéralisme ne signifie pas forcément le démembrement ; tous se rendent compte que l’Espagne fut peut-être davantage une ‘’avant’’ que la Castille n’eût dominé les autres provinces qu’après. Mais une résistance intérieure les fige dans leur attitude
[2] » (100) ; « Dans leurs villages, les paysans castillans formaient une société d’hommes libres. La guerre leur épargnait le servage […] Clergé, ricos hombres et tiers état siégeaient ensemble dans les assemblées […] Cette tradition explique la dignité et l’orgueil des Castillans […] La liberté constituait le prix que la monarchie devait payer pour que des hommes se résignent à vivre dans le danger […] Le climat et la guerre façonnaient les Castillans. La race s’endurcissait. Sa philosophie était pessimiste, tragique sa vision du monde, stoïque son attitude devant la vie. Qué le vamos a hacer ? - Nada (105-108). Les Castillans sont dans l’action : « Ils ont la manie de vouloir agir en conformité avec leurs opinions. Ils ne se règlent pas sur la réalité […] Aucun argument ne les touche. Ils écoutent vos raisonnements parce qu’ils sont d’une politesse exquise. Ils acceptent que vous ayez d’autres croyances que les leurs ; mais s’ils doivent vous tuer à cause de vos idées, ils le font sans hésiter » (109).
A propos de l’hidalgo : « Vient de hijo de algo […] Fils de quelque chose. Non pas de quelqu’un, là est l’important, mais de quelque chose. La gloire de l’hidalgo, son honneur découlent de ses actes. Il faut interpréter ainsi la réponse faite par Don Quichotte : ‘’Chacun est fils de ses œuvres » (111). En devenant les serviteurs des Grands d’Espagne à la suite de la centralisation du pouvoir après le mariage d’Isabelle et de Ferdinand, les hidalgo fondent leur devise : « Honra y prez (honneur et gloire). Mais honra signifie aussi probité, honnêteté, et prez davantage que gloire : fierté, dignité […] Tous ceux qui voulaient échapper aux enquêtes racistes se prétendaient hidalgos. Car l’hidalgo est un noble non titré, il avait droit au don, il pouvait porter l’épée. Ses prétentions nobiliaires étaient fondées sur ce fait qu’il descendait de Vieux-Chrétiens : la pureté du sang lui conférait l’honneur […] Cette évolution d’une société ouverte vers une société close et aristocratique s’achève sous le règne de Philippe II. Alors l’Espagne se replie sur elle-même » (113-115) ; « La plupart des hidalgos possédaient à peine de quoi ne pas mourir de faim […] Pas d’autres alternatives que le cloître ou l’armée : à l’aîné, les terres et la maison, le couvent pour le puîné, l’uniforme pour le cadet […] Au XVIIIè siècle, l’aristocratie possède la moitié du territoire national » (120) ; « Pour les Castillans, l’étranger commençait aux frontières de leur province […] Pour les hidalgos, [agir dans l’honneur] se confondait avec le mythe de la pureté raciale et s’exprimait les vertus d’endurance et d’indifférence » (121).
A la mort de Franco, Michel del Castillo retourne à Barcelone, il n’a pas l’impression que le pays sort de quarante ans de dictature : « Tous d’accuser la Castille, de crier haro au pouvoir central, de dénoncer la mainmise de l’état centralisateur sur l’ensemble de l’Espagne » (126). S’interroge pour savoir où étaient ces hommes vingt ans plus tôt où toute idée contre le pouvoir pouvait être punie de mort. Franco avait insaturé la croisade contre tout ce qui n’était pas catholique : « Sa mission, il la concevait comme le rétablissement de l’Espagne dans ses options fondamentales […] Ce qui importait à ce petit homme secret, c’est que l’état fût puissant, unitaire et catholique. Le totalisme chrétien apparut aux homme de sa génération comme la seule réponse au totalisme marxiste » (134-137) ; « au sens fort, le franquisme est d’abord une réaction » (143).

Partie 3 : « La soutane et le bicorne »
Insiste sur le tempérament violent des Espagnols, physiquement. Compare aux Français dont la violence reste verbale, portés par le besoin de raisonner, de tout comprendre. Explique le côté réactionnaire de l’Espagne par la difficulté, voire le refus, d’assumer son double héritage, hispano-moresque et catholique. Cela rend les Espagnols radicaux là où souhaiteraient être tolérants. Ils rêvent du juste milieu mais tuent pour les idées : « Il [Don Pedro, chemise noire]m’apparaissait comme la quintessence de l’Espagnol. Sa droiture, son honnêteté, sa rigueur et cette impassibilité à l’heure de distribuer la mort […] Ce qui distinguait don Pedro d’un nazi ou d’un pur fasciste […], c’est sa haute conscience morale » (211) ; « Ne conviendrait-il pas de réconcilier l’hidalgo et le fellah, le rabbin subtil et le moine brûlé de charité ? » (214).

Partie 4 : « Yo, el rey… »
« Les rois de France signaient de leur prénom, ceux d’Espagne le font avec ces mots : Yo, el rey. Chaque Espagnol pourrait en faire autant […] Il [l’Espagnol] veut s’imposer, il exige d’être respecté, demande à être jugé, non pas sur ses intentions, qui ne concernent que lui, mais sur ses actes […]. Il ignore le dialogue, refuse de penser avec son interlocuteur. Ce qu’il recherche dans une discussion, c’est une occasion d’énoncer son opinion […]. Plutôt que de se contredire, il assène ces mots définitifs : porque me da la gana » (217) ; L’Espagnol reste pourtant toujours courtois et simple car « dans un pays où chacun se dit roi, il n’y a pas de sujets […] La cortesía, c’est plus que la politesse : un art de vivre en commun puisé au cours des siècles » (218) ; « La préoccupation majeure des Espagnols est de quedar bien (faire une belle sortie) » (219).
Continue sur le registre du manque de dialogue : « Les dialogues sont faits de monologues successifs. Chacun commence par un yo qui marque les limites de l’échange. Au fond de chaque Espagnol sommeille une peur séculaire : celle de se découvrir. On ne se défait pas aisément d’une méfiance qui remonte à plusieurs siècles » (221). L’Espagnol assume sa solitude.
Sur le paraître, insiste sur le langage gestuel qui est un rituel : « Un Espagnol marche et bouge selon une certaine idée qu’il se fait de lui-même[…]. Un geste gracioso se doit d’être harmonieux et ironique à la fois. L’ironie naît d’un détachement qu’on sait faux » (223).
Sur la mort : elle est un sujet incontournable pour l’Espagnol qui « n’est pas attiré par la mort mais révolté par elle. Il sait que, quoiqu’il fasse, elle finira par l’emporter. Son impuissance à la conjurer le désespère » (225) ; « Il apprend, depuis l’enfance, à vivre dignement sa mort […] C’est toujours par le mépris, c’est-à-dire la négation, qu’il écarte de lui ce qui le menace » (227-228).

Partie 5 : « Idéalisme/réalisme »
« Trop de désillusions et de déboires, trop de frustrations ont privé l’Espagnol de la faculté d’espérer. Son enthousiasme s’émousse vite ; la lassitude le reprendre. Il lui manque la foi qui lui permettrait d’envisager un futur meilleur. Aussi le progrès le prend-il au dépourvu. Il se hâte de jouir de ses bienfaits avec une voracité d’éternel affamé » (251-252) ;
L’idéalisme : « La philosophie de l’Espagne est une philosophie du ‘’moi’’ ; ‘’Je fais’’ […] Plus l’action sera absurde et gratuite et plus ce sentiment d’exister sera puissant […] Un homme qui agit avec droiture, qui n’est mû par aucun intérêt, qui obéit à ce que lui dicte sa conscience : un tel homme est au-dessus de l’échec [en référence à Don Quichotte, hidalgo qui se conduit au chevalier, en conformité avec le code de l’honneur] » (253-254) ; « Les exploits de Don Quichotte ne sont absurdes que replacés dans un contexte de raison » (255). L’idéalisme espagnol est radical : il n’accepte pas la société telle qu’elle est, il veut la libérer, tout de suite.
Sur le réalisme : « L’Espagne n’a pas bon goût, elle n’a pas non plus mauvais goût : elle a des goûts. Elle pense, par exemple, que tout peut être dit, montré ; qu’il n’y a pas des fonctions nobles et basses. Elle aime un parler libre, franc, qui ne s’ »encombre pas de sous-entendus et de périphrases. Une putain est une putain […] Cagar [chier] n’a rien de très vulgaire en espagnol. C’est un mot qui définit une action » (272-273) ; « Les chevaliers errants doivent manger… » (274).
Explique ainsi l’anarchisme espagnol : individualisme et radicalisme : « L’égalité et la liberté ne se laissent pas limiter. Personne n’a le droit de dire : ‘’Remets tes désirs à plus tard. Faisons d’abord ceci ou cela’’. Seule l’assemblée des hommes enfin libérés peut prendre une décision souveraine » (285).

Partie 6 : « Don Juan devant Carmen »
« Les hommes ne badinent pas avec leur honneur, c’est-à-dire avec la vertu de leurs femmes (depuis qu’elles travaillent, leur honneur les suit au bureau, dans la rue, et il n’appartient plus au foyer » (297) ; « Aucun juge, en Espagne, ne condamnerait à la peine de mort un homme qui a tué parce qu’il était trompé. C’est une affaire entendue que les atteintes à l’honneur se lavent dans le sang […] » (298) ; « Les Espagnols aiment la femme forte […] Le plus beau compliment qu’un Espagnol puisse faire à une femme, c’est de lui dire qu’elle est cojonuda (qu’elle a des couilles) […] C’est un peu pour les femmes et à cause d’elles qu’il arrive aux Espagnols d’être moins lâches que d’autres peuples […] Les femmes inspirent les hommes et aident à se maintenir debout. Tu es un homme ou non ? […] Il a voulu devenir un dieu, il a usurpé son rang, les prêtresses du nouveau culte le rappellent à son devoir » (298-301) ; « Les Français acceptent fort bien qu’une femme puisse être intelligente […] On trouve en France des couples cultivés. […] En Espagne, on se méfie des femmes intelligentes […] On admire leur courage, quand elles en ont, mais on méprise leur esprit […] Les hommes agissent ainsi parce qu’ils ne sont pas très sûrs de leur virilité » (303).
« L’honneur reste une affaire d’hommes […] On retrouve en Espagne, la très ancienne trinité méditerranéenne : Vierge-épouse-mère » (308) ; « Au cœur de la femme, un sentiment s’insinue : l’homme est un moyen, non une fin […] Elle n’a pas épousé un homme mais une institution. Tous ses espoirs, elle les reporte sur les enfants à venir. La maternité comble ses vœux [… Lorsque l’enfant grandit,] elle coupe le cordon ombilical, elle tranche dans sa chair avec un courage inouï […] La maman s’efface, la femme forte apparaît […] Ce tardif sevrage laisse l’adolescent désemparé » (309-310) ; « La femme ne s’épanouit pas seulement dans la maternité. Son plus beau triomphe, c’est le veuvage […] Elle gémit, verses des larmes ? Sur la scène du monde, elle peut enfin aller et venir à sa guise. Le veuvage, ce sont tous les avantages du mariage moins ses inconvénients » (312).

PARTIE 7 : « Le royaume des clerc »
« On connaît les méthodes de l’Inquisition. Deux choses la rendirent si redoutable : l’anonymat garanti aux délateurs et l’ignorance dans laquelle le suspect était tenu du crime dont on l’accusait » (325) ; « Pour échapper à la torture, les suspects avouaient n’importe quoi. Ils se ‘’réconciliaient’’ avec l’Inquisition » (332).
A propos de l’Opus Dei : « Que s’était-il passé en 1930 qui avait failli causer la ruine de l’Eglise ? Les philosophes, les intellectuels avaient réussi à submerger l’état, puis à s’en emparer. Ils l’avaient fait en gagnant les élites à leur cause, comme leurs modèles français du XVIIIè siècle […] Il [un prêtre obscur… Mgr José Maria Escrivá de Balaguer] pensa qu’il fallait opposer à la milice athée une armée chrétienne qui combattrait avec ses propres armes […] A de tels soldats, on ne demanderait pas l’obéissance passive, mais l’esprit d’initiative, l’imagination, la volonté de puissance mise au service de la bonne cause » (371) ; « Naturellement, ce coup d’état clérical n’a pas manqué de susciter de violentes réaction […] Parmi les plus acharnés adversaires de l’Opus Dei, il y a les jésuites. Il ne saurait en être autrement puisque l’œuvre recrute parmi les élites, chasse gardée des disciples de saint Ignace » (372) ; « L’apogée de l’Opus Dei se situe vers les années 1962-1967 […] L’Opus Dei, c’est la chevalerie des gestionnaires » (374-376).

Partie 8 : « Terres sans eau »
« Ce pays, je le comprends. J’emploie le verbe comprendre dans son sens étymologique : je prends cette terre avec moi, je la porte en moi.


Partie 9 : « Le chant des Espagnes »
Fait le tour de l’Espagne, après avoir beaucoup parlé des Castillans : Catalogne, Pays Basque, Andalousie. Catalogne, joyeuse, besogneuse…(a terminer)


[1] Voir le nom de la loi, sa date d’abolition et la date où elle n’a plus été effectivement appliquée (années 50 encore, non ?)
[2] La France avant et après LouisXI ? Aujourd’hui, la nation aurait moins de poids qu’hier ?

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